Le 4 décembre 2025, la division Vins et Spiritueux de LVMH est, pour la première fois, confrontée à un appel à la grève touchant l’ensemble de ses maisons - de Hennessy à Veuve Clicquot - lancé par le syndicat CGT. Les salariés réclament notamment le versement d’une prime de Noël exceptionnelle ou une compensation financière, dénonçant l’annulation des bonus et souhaitant un partage de la richesse plus juste.
Il s’agit d’un événement hors du commun dans le luxe, un secteur peu enclin aux mobilisations et très rarement présent dans les mouvements sociaux. Ces nouvelles illustrent en effet la montée d’un malaise profond en France qui pourrait se propager rapidement à tout l’univers du haut de gamme.
Le bénéfice de la branche Vins et Spiritueux de LVMH a reculé de 33% au premier semestre 2025. Pourtant, malgré un contexte macroéconomique difficile - conflits internationaux, ralentissement des ventes en Chine, hausse des droits de douane américains et inflation - le groupe est resté solide: pour l’exercice 2024, la société de la famille Arnault affiche un chiffre d’affaires de 84,7 milliards d’euros.
Newsletters
Cet article vous plaît ?
Inscrivez-vous à nos newsletters pour recevoir les dernières publications et analyses selon nos 4 thématiques:
C’est toutefois la répartition de cette richesse qui suscite des tensions de plus en plus vives. Moët Hennessy annonçait au mois de mai de cette année une réduction de plus de 10% de sa masse salariale, représentant la suppression d’environ 1 200 postes, sans plan social, sur un total de 9 400 employés.
Parallèlement, le groupe LVMH annonçait il y a quelques jours le paiement aux actionnaires d’un acompte sur dividende de 5,50 euros pour 2025. Cette annonce révèle des priorités financières pour LVMH favorisant les actionnaires plutôt que le maintien de l’emploi ou de redistribution des salaires.
Cela pose la question de l’équilibre entre exigence de rentabilité et reconnaissance économique du travail des salariés, d’autant plus que les maisons de luxe construisent leur prestige sur le savoir-faire, les excellences artisanales et l’engagement exemplaire des équipes de toutes les branches.
Dans le discours public et médiatique, les groupes de luxe comme LVMH sont affichés comme généreux avec leurs employés. Selon certaines sources, le salaire moyen annuel chez LVMH en France s’élèverait à 69 360 euros, soit près de 5 780 euros mensuels, incluant primes et bonus.
En pratique, les disparités sont très fortes selon les postes: un vendeur en boutique débutant gagne beaucoup moins, aux alentours de 2 500 euros par mois, tandis que les managers ou les artisans d’exception peuvent atteindre des salaires très confortables.
En 2022, LVMH avait déjà versé une prime “anti‑inflation” de 1 000 à 1 500 euros pour les salariés gagnant jusqu’à trois fois le salaire minimum français, ce qui indiquait un besoin de compensation face au coût de la vie.
Si ces interventions ponctuelles paraissaient suffisantes dans le passé, aujourd’hui la satisfaction des employés semble être en chute libre. L’appel à la grève chez Moët Hennessy montre qu’une partie du personnel se sent oubliée ou que les mécanismes de redistribution sont devenus plus incertains dans un moment de choix stratégiques vitaux pour l’avenir des groupes et de pressions économiques importantes.
Le secteur du luxe traverse en 2025 un ralentissement marqué. LVMH a affiché une baisse de 4% de son chiffre d’affaires au premier semestre, avec un bénéfice net en recul de 22%. Le groupe Kering a subi encore une fois un effondrement de ses ventes: au troisième trimestre 2025, le chiffre d’affaires du groupe a reculé de 10% en données publiées. La conjoncture actuelle présente des difficultés également pour Hermès et Prada, même si ces deux géants du luxe s’en sortent mieux.
Le contexte économique général pèse sur l’emploi et sur les marges de manœuvre des sociétés pour maintenir ou améliorer la rémunération des collaborateurs. Dans une telle situation, le partage de la richesse produite devient un enjeu sensible. Ce qui est certain, c’est que la suppression d’emplois et le malaise social pourront nuire de manière profonde à la réputation des marques et à leur image «sacralisée». La prime de Noël demandée par la CGT ne pourrait être que le début d’une série de revendications majeures.
Partager l'article
Continuez votre lecture
Le Canada supprime sa taxe sur le luxe, un nouvel élan pour le secteur
Ce mardi, le Canada a tourné la page d’une taxe controversée. Le lendemain du dépôt du budget fédéral, la taxe de luxe sur les avions et les bateaux de plaisance ne sera plus exigible.
By Eva Morletto
A Art Basel Paris, un Rubens qui fait du bruit
La galerie Gagosian expose sur son stand un tableau du grand peintre du XVIIe siècle. Et rejoue le combat des anciens contre les contemporains. On […]
Newsletters
Cet article vous plaît ?
Inscrivez-vous à nos newsletters pour recevoir les dernières publications et analyses selon nos 4 thématiques: