La galerie Gagosian expose sur son stand un tableau du grand peintre du XVIIe siècle. Et rejoue le combat des anciens contre les contemporains.
On n’imagine mal la plus importante galerie du monde exposant une toile de Rubens dans une grande foire d’art contemporain sans avoir une vague idée derrière la tête. Art Basel Paris n’avait pas encore ouvert ses portes lundi 20 octobre que tout le milieu parlait de l’affaire. Signe aussi de l’efficacité de la communication de Larry Gagosian.
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La Vierge à l’Enfant avec Sainte Élisabeth et Saint Jean Baptiste a été peinte par Pierre Paul Rubens vers 1611-1614. Une version comparable est conservée dans la collection du Musée Thyssen-Bornemisza à Madrid. Pour dire que parmi la masse pléthorique des œuvres de l’artiste d’Anvers, la toile est prestigieuse. Et qu’elle fut vendue 7 millions de dollars chez Sotheby’s à New York en 2020.
La voilà donc exposée au Grand-Palais de Paris parmi les œuvres des 206 autres galeries participant à Art Basel Paris. Comme tout le reste, la peinture est à vendre, à un prix pour l’instant confidentiel tout comme l’est son actuel propriétaire, un collectionneur américain qui requiert l’anonymat. Point d’orgue du stand Gagosian, la Saint Famille est entourée d’œuvres d’artistes contemporains que le marchand rapproche du chef-d’œuvre du flamand : une version en bronze du Baiser de Rodin, un nu de Picasso, Supermoon de John Currin qui fait explicitement référence au Trois Grâces de Rubens, plus des peintures de Baselitz, Cy Twombly et d’Ellen Gallagher.
Mais pourquoi cette peinture pose-t-elle question? D’abord parce qu’elle transige avec les limites temporelles imposées par le comité d’Art Basel aux exposants. S’il leur est admis de pouvoir montrer des œuvres anciennes - l’année dernière Hauser & Wirth présentait au même endroit une peinture suprématiste de Malevitch de 1915 – les pièces antérieures au XXe siècle sont généralement proscrites. La foire peut, cependant, faire preuve de quelques souplesses. Une ouverture qui permet, par exemple, à la galerie parisienne Pavec d’exposer cette année des travaux impressionnistes de Marie Bracquemond réalisés à la fin du XIXe siècle. En autorisant l’exposition du Rubens, la foire montre de fait son extrême élasticité. Le galeriste rappelant de son côté sa grande passion pour Rubens qui l’avait amené, il y a 30 ans, à organiser le même genre de confrontation dans son espace newyorkais.
Ensuite parce qu’à travers ce tableau, Gagosian envoie un signal provocateur - c’est son style - dans un marché de l’art contemporain complètement déprimé. Lequel accréditerait ainsi le retour en fanfare de la peinture ancienne dans le cœur de collectionneurs à la recherche de pièces exceptionnelles, même peintes quatre siècles en arrière. De là à imaginer qu’Art Basel va généraliser ce type de grand saut dans le temps… Le précédent risque quand même de faire grincer du côté de Maastricht où se déroule chaque année la Tefaf, la grande foire d’art qui expose des œuvres de toutes les époques – de la préhistoire à nos jours – et dans tous les domaines avec un certain succès. Mais dans ce cas on dira que c’est la réponse du berger à la bergère.
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