Le Canada supprime sa taxe sur le luxe, un nouvel élan pour le secteur
By Eva Morletto05 novembre 2025
Ce mardi, le Canada a tourné la page d’une taxe controversée. Le lendemain du dépôt du budget fédéral, la taxe de luxe sur les avions et les bateaux de plaisance ne sera plus exigible. Ciblant les biens au-delà de 250 000 dollars pour les bateaux et 100 000 pour les aéronefs, elle avait suscité la colère d’une industrie hautement stratégique, accusant le gouvernement de pénaliser l’excellence manufacturière et le savoir-faire national. Dorénavant, seules les voitures haut de gamme neuves seront soumises à cette surtaxe.
Le Canada signe ainsi un tournant stratégique dans sa relation avec le monde du luxe. Introduite en 2022, la mesure avait montré ses limites: si d’un côté elle avait permis d’augmenter le montant des recettes fiscales, de l’autre elle a provoqué la fuite des acheteurs vers des lieux gérés par des administrations dites plus accueillantes.
Cette suppression, devenue effective dès le lendemain du dépôt du budget fédéral, n’aura qu’un coût budgétaire modeste – 135 millions de dollars en moins dans les caisses de l’État sur cinq ans – mais une portée symbolique considérable. En retirant la taxe, Ottawa affiche l’intention de réintégrer le luxe dans le récit national, afin qu’il continue à faire rayonner le pays au niveau mondial.
Le premier gagnant est sans doute Bombardier, le fleuron québécois de l’aéronautique d’affaires. L’entreprise prévoit la création d’environ 600 emplois dans les prochaines années grâce à la relance de la demande. Libéré d’un frein fiscal qui incitait les clients à immatriculer leurs appareils à l’étranger, le constructeur reprend de l’élan.
Les partenaires spécialisés dans la maintenance, l’aménagement et la personnalisation — des ateliers de finition d’intérieurs jusqu’aux designers aéronautiques — devraient également bénéficier de cette embellie.
Du côté nautique, l’effet d’annonce agit déjà favorablement. Les chantiers canadiens, tels que Neptunus Yachts, Doral International ou Campion Marine, avaient subi de plein fouet la taxe de 2022. Beaucoup d’acheteurs avaient préféré traverser la frontière pour acquérir leur bateau aux États-Unis, où la fiscalité était plus souple. Résultats: baisse des ventes de 30% à 70% selon les segments, et mise en péril d’un savoir-faire rare dans la construction de yachts semi-personnalisés.
L’abolition de la taxe pourrait inverser cette tendance. Les acheteurs fortunés, souvent attachés à un certain patriotisme économique, retrouvent une raison d’investir localement. Pour les chantiers, c’est l’occasion de repositionner leurs modèles sur un segment premium: plus de personnalisation, plus d’options, plus d’exclusivité.
Au-delà de ses frontières, la décision canadienne résonne dans l’écosystème global du luxe. Alors que certains pays renforcent la fiscalité sur les biens ostentatoires, le Canada fait le pari inverse: soutenir le prestige industriel pour préserver la compétitivité. Pour les grandes marques internationales — Dassault Aviation, Gulfstream, Benetti, Sunseeker —, le signal est clair: le marché canadien redevient attractif. Les maisons européennes du yachting ou de l’aviation privée, qui considéraient le Canada comme un marché marginal en raison de la taxe, pourraient revoir leurs ambitions.
L’abolition ouvre parallèlement la voie à plus d’événements de prestige: des salons nautiques aux expositions d’aviation d’affaires. La mesure dépasse la simple question économique: loin d’être un simple cadeau fiscal, la décision canadienne reflète une évolution culturelle qui consiste à considérer le luxe non plus comme un «privilège» à taxer, mais comme une industrie d’excellence à cultiver. Plutôt que de stigmatiser les biens haut de gamme, le Canada a l’intention de valoriser l’innovation et les possibilités d’emploi qu’ils génèrent.
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