Gastronomie & VinsGrand angle

Collectionner les grands vins, une tendance à la hausse depuis la pandémie

Kristen Shirley

By Kristen Shirley10 juillet 2020

Les ventes aux enchères de vins et de spiritueux ont connu une croissance spectaculaire ces derniers temps. Au plus fort de la crise sanitaire du COVID-19, Sotheby's - maison de vente aux enchères leader sur le secteur du vin - a continué à battre des records mondiaux malgré la pandémie et le ralentissement économique. Jamie Ritchie, vice-président senior et directeur mondial de Sotheby's Wine, nous explique comment.

118 mio $

Les ventes aux enchères de vins en 2019

10 mio $

Record mondial pour une collection privée de whisky aux enchères

33%

De nouveaux acheteurs en 2019

Jamie Ritchie, vice-président senior et directeur mondial de Sotheby's Wine (Julian Cassady)

Ces dernières années, les ventes aux enchères de vins et de spiritueux ont connu un succès retentissant. Depuis trois ans, Sotheby's a doublé son activité, réalisant 118 millions de dollars de ventes en 2019. Début 2020, la maison semblait être en passe de battre un nouveau record, jusqu'à l'arrivée du COVID-19. Avec déjà 8 millions de dollars de biens entreposés sous ses voûtes climatisées en début d’année, Sotheby’s se devait d'accélérer ses plans d'expansion numérique. Jamie Ritchie et ses 30 ans d’expérience dans le secteur du vin l’ont très vite placé en première ligne pour relever ce défi. Car au fil des décennies, il a contribué à transformer Sotheby's, la faisant évoluer d'une maison de vente aux enchères centrée sur Londres en une puissance mondiale, ouvrant la voie à New York en 1994 et à Hong Kong en 2009. Des choix éclairés puisque Hong Kong représente aujourd’hui le plus gros business du vin chez Sotheby’s avec 50 % des ventes en 2019, suivie de New York avec 26 % du chiffre d’affaires. Récemment, Jamie Ritchie enrichissait l’activité de la maison avec le lancement d’un nouveau label garantissant des choix de qualité au collectionneur : le "Sotheby's Own Label Collection". En 2016, Jamie Ritchie a été nommé directeur monde de Sotheby's Wine, sans arrêter pour autant son rôle de commissaire-priseur. Sous son marteau, la maison a enregistré des ventes faramineuses, dont de nombreux records mondiaux.

Alors que le COVID-19 est toujours au maximum de sa virulence aux Etats-Unis, Jamie Ritchie nous parle en appel vidéo depuis son appartement à New York, de l'état actuel du marché des ventes aux enchères de vin.

Comment vos activités ont-elles évolué depuis les débuts de la pandémie?

Du côté des ventes aux enchères, nous avions un très grand nombre de biens entreposés à Londres, New York et Hong Kong destinés à être vendus aux enchères en direct. Nous nous sommes donc rapidement adaptés afin de transformer ces ventes aux enchères physiques en ventes en ligne uniquement. Il s'agissait de biens d'une valeur d'environ 8 millions de dollars dont la vente a été conclue au travers de six ou sept ventes aux enchères différentes. Nous avons agi avec une très grande rapidité. La transformation numérique de notre entreprise que nous avions planifiée sur deux ans s'est probablement faite en deux mois.

Quels ont été les résultats des enchères en ligne?

Certaines statistiques sont très intéressantes. Nous avons en effet enregistré entre 20% et 50 % de nouveaux acheteurs. Lors de notre vente aux enchères du mois passé, 50 % des acheteurs avaient moins de 50 ans, et lors de notre vente de spiritueux à Londres, 40 % avaient moins de 40 ans. Il est très intéressant de constater que, malgré le COVID-19, nous avons établi des prix records, pour preuve la vente d’un mathusalem de Bourgogne il y a quelques semaines et celle du Dalmore, le cognac le plus cher jamais vendu dans une vente de spiritueux. Le marché reste donc fort, constant et dynamique et la demande se maintient. A la réouverture des ventes aux enchères physiques, il y a peu, il a été tout aussi intéressant de constater que le marché est resté haut. La collection vendue estimée entre 3,5 et 4,5 millions de dollars s’est finalement envolée pour un peu plus de 5 millions de dollars. Le test a été concluant.

Qu'est-ce qui pousse ces jeunes et nouveaux collectionneurs à acheter des vins et des spiritueux aux enchères en ligne?

C’est un ensemble de raisons. Je pense que les gens ont plus de temps libre, et cherchent des choses stimulantes à faire. Les outils numériques nous permettent de mieux les atteindre et de toucher un public plus large. Mais cela relève aussi d’un certain engagement, d’un besoin. Coincés chez eux, certains s’occupent, travaillent beaucoup et d’autres moins. Mais tous veulent vivre pleinement, trouver des distractions, et se faire plaisir en consommant de bonnes bouteilles.

Vous avez récemment repris les enchères en direct, avec la vente d’une unique collection privée, dont le succès a établi trois records du monde. Pourquoi cette collection et pourquoi maintenant?

Il s'agissait d'une vente aux enchères en direct, mais aucun client n'était présent. Pour un commissaire-priseur, c'est donc un peu différent. Cinq de nos collègues menaient les enchères par téléphone, ils étaient donc le "public" et les enchérisseurs en ligne arrivaient sur un écran. Le choix de cette collection était évident. Elle avait besoin d'une composante « live » pour maximiser sa valeur. Très spéciale, sa provenance était parfaite, proposant du très grand Bourgogne rouge des meilleurs producteurs et conservé dans un état absolument impeccable. Nous savions donc que cela plairait au public. Cela dit, une vente aux enchères en direct garde toujours sa composante unique. Elle devait se dérouler de nuit. Nous avions évidemment beaucoup travaillé en amont auprès de nos clients. Nous étions relativement confiants, aux vues des précédents chiffres réalisés à la même période. Le résultat a été très solide. Nous en sommes très, très satisfaits.

Plus de 50 % des acheteurs de cette vente avaient moins de 50 ans, ce qui est jeune pour les collectionneurs de vin. Qu'est-ce qui intéresse les jeunes collectionneurs et qu'est-ce qu'ils achètent en ce moment?

Les jeunes collectionneurs s'intéressent au vin et souhaitent l'acheter. Ils n'ont évidemment pas encore ces vins dans leurs caves, et la seule façon de se les procurer reste le marché secondaire. Cette crise révèle quelque chose d’étonnant. Les gens sont prêts à explorer davantage, à être un peu plus aventureux, à découvrir de nouvelles propositions et explorer des régions comme le Champagne, le Rhône et l'Italie. Et en même temps, ces nouveaux acheteurs font le choix des vieux favoris, comme de très bons Bordeaux ou Bourgogne.

Les trois records du monde ont été établis pour les bouteilles grand format. Quelle est l'importance des formats alternatifs lors des ventes aux enchères?

De toute évidence, ils sont rares. Le mathusalem 2005 du Domaine Romanée-Conti que nous avons vendu pour un peu moins de 300 000 dollars, était la deuxième bouteille sur les huit produites en totalité. Depuis 2008, le Domaine Romanée-Conti ne vend plus les bouteilles grand format, donc elles sont extrêmement rares. Je pense que les gens font deux choix. D'une part, ils les achètent pour leur rareté, donc leur valeur. Mais c’est aussi le plaisir de les déguster entourés d’amis qui permet à ces bouteilles d’acquérir une valeur hautement symbolique et émotionnelle, en ces temps difficiles. Ces bouteilles sont conçues pour cela. Je pense que les amis et la famille sont devenus beaucoup plus importants pendant cette période COVID-19 où vous ne pouvez pas voyager et où les rapports sociaux sont compliqués. Je pense que ces célébrations seront de plus en plus appréciées.

La collection ultime de whisky. Londres. 24 octobre 2019. Total des enchères : 10 millions de dollars (7,6 millions de livres sterling) | 100% vendu (Sotheby's)

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