L’art sous l’œil de la Gen Z: enfin une nouvelle image du monde

L’expo tout simplement nommée Gen Z offre un espace inédit pour des artistes souvent boudés des collectionneurs. La Gen Z, marquée par les bouleversements du Covid-19, aborde des thèmes d’une profonde résonance contemporaine: identité, appartenance, résilience et décolonisation, et en donne un regard neuf à travers leurs œuvres, ces artistes nous invitent à repenser les notions de frontières et de relations humaines. Dès lors, comment cette génération se positionne-t-elle face à un marché de l’art en pleine transformation, et quels sont les enjeux stratégiques qui dessineront son avenir?

«En 2005, quand le projet d’inviter la nouvelle génération au sein du musée a commencé, explique Julie Dayer, commissaire de l’exposition Gen Z à Photo Élysée, les artistes n’étaient pas exposés en galeries, ils n’avaient pas Instagram, pas de publications. C’était très rare qu’un musée vienne s’intéresser à leur travail.» Vingt ans plus tard, la donne a changé: la scène artistique émergente est plus visible, plus connectée, et davantage structurée. «Maintenant, il y a beaucoup de festivals qui montrent la jeune génération et qui récompensent leur démarche.»

Sur les 65 artistes exposés à Lausanne, cinq sont déjà représentés en galeries. Dayer souligne l’importance des réseaux sociaux dans le processus de repérage: «C’était intéressant d’échanger avec les galeristes, ou directement avec les artistes via message privé sur Instagram pour les faire venir.» La réalité du marché est que les collectionneurs et grands mécènes ne naviguent pas vraiment sur ces plateformes, qui ont remplacé les catalogues et portfolios de l’époque.

La visibilité en ligne n’est pas toujours équitable. «Sur les réseaux sociaux, il y a une inégalité énorme en ce qui concerne le nombre d’abonnés. Pour certains, les réseaux sont vraiment une pratique artistique et une ouverture vers le monde professionnel.» C’est le cas de la Russe Toma Gerzha, qui cumule 440 000 abonnés, ou encore de la Togolaise Delali Ayivi, qui a photographié l’acteur Damson Idris pour Dazed et a signé plusieurs couvertures de Vogue.

Cependant, une majorité d’artistes jongle encore entre projets artistiques et jobs alimentaires. «Certains artistes, pour vivre, vont exercer d’autres activités. S’ils ont de la chance, leur job alimentaire est lié à leur art. D’autres peinent à trouver le temps de se consacrer à leur pratique», regrette Dayer.

Cette réalité est répandue parmi les artistes que Luxury Tribune a pu interviewer. Sur un marché de l’art en crise, où des galeries mythiques ferment les unes après les autres et où même les classiques peinent à se vendre aux enchères, comment la Gen Z garde-t-elle espoir?

Pour Florian Gatzweiler, artiste né en 1998 résidant à Berlin, monétiser son art est compliqué: «Il est difficile de commercialiser notre travail, car on n’apprend pas à le faire à l’école. Nous apprenons par nous-mêmes et essayons d’en tirer un revenu. Je consacre 10% de mon temps à ma pratique artistique, les 90% restants sont consacrés à la demande de subventions ou à des mandats de reportages pour les journaux.» Même constat pour Tianyu Wang, une artiste chinoise née en 1997, diplômée de l’ECAL en Suisse: «Tous ces facteurs – manque de soutien institutionnel, marginalisation du marché et sensibilité politique – créent un environnement difficile et précaire pour les artistes comme moi, tant sur le plan créatif qu’économique.»