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Galeries d’art américaines: l’été meurtrier

Emmanuel Grandjean

By Emmanuel Grandjean09 septembre 2025

Aux États-Unis, la fermeture de plusieurs galeries emblématiques, entre juillet et août, a mis le milieu de l’art en état de choc. Et signe la fin des années d’euphorie où les galeristes, sous pression d’un marché hautement spéculatif, dépensaient sans compter.

La fermeture en chaîne de galeries iconiques révèle l’effondrement d’un marché de l’art trop spéculatif et coûteux. La mythique galerie Blum de Los Angeles (ci-dessus) s'est vue contrainte de fermer ses portes (Heather Rasmussen)

Nous avons étouffé sous les frais généraux, ce qui est assez classique. Le loyer, les expéditions, les foires… tous ces coûts ne cessent d’augmenter, tandis que les revenus s’effondrent

Olivier Babin, artiste et fondateur de la galerie Clearing à New-York

On peut dire que l’été fut meurtrier pour le marché de l’art, surtout américain. Avec un emballement en plein mois d’août, lorsque les annonces de fermeture de marchand s’enchaînaient quasi quotidiennement. À Los Angeles, Blum et Tanya Bonakdar annonçaient qu’ils mettaient la clé sous la porte. Tandis qu’à New York, Venus over Manhattan et Clearing communiquaient qu’ils cessaient leurs activités et Kasmin changeait profondément sa structure et prenait un nouveau nom. On ne parle pas ici de petites galeries ayant ainsi pâti d’un marché de l’art contemporain en difficultés, mais de lieux bien installés, parfois depuis plus de trente ans, dont le travail a forgé l’art des années 2000 et qui, malgré tout, n’ont pas eu d’autres choix que de jeter l’éponge.

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Une conjonction de phénomènes accélère les fermetures

Le japonais Haruki Murakami figure emblématique de Blum a quitté la galerie après 25 ans de collaboration (Fondation Louis Vuitton)

Une conjonction d’indices explique cette hémorragie brutale, avec, à la pointe de l’iceberg, des problèmes de coût de fonctionnement devenus hors de contrôle. Portés par le marché florissant des années 2010, renfloués par l’argent libéré des restrictions dues au Covid après la pandémie en 2020, certains de ces marchands décidèrent de multiplier les ouvertures d’espaces à travers le monde.

Tim Blum, cofondateur avec Jeff Poe de la galerie qui portait son nom, avait ajouté à son adresse de Los Angeles une antenne à New York et une autre à Tokyo, employant ainsi une bonne cinquantaine de personnes pour assurer la représentation de sa soixantaine d’artistes. Notamment les Japonais Yoshimoto Nara et Takashi Murakami, que le marchand a fait connaître et reconnaître de ce côté-ci du soleil levant, avant qu’ils ne deviennent des mégastars.

Ce qui est dur, c’est que cette crise semble s’installer, contrairement à celle de 2008 où le marché avait rapidement redémarré. Il faut dès lors s’adapter, être prudent et limiter les frais

Sébastien Bertrand, galeriste Genevois

Cet automne, Tim Blum devait inaugurer sa nouvelle galerie installée dans le quartier de Tribeca à New York. Acheté 5,3 millions de dollars il y a deux ans, le bâtiment restera vide, le galeriste n’ayant pas décidé à quoi il le destinerait désormais.

Une dépense somptuaire à laquelle il a fallu ajouter la hausse des prix des loyers devenus exorbitants. Et aussi le fait que ces dernières années, plusieurs des artistes les plus lucratifs de la galerie avaient quitté le navire pour rejoindre ceux de Gagosian – comme Anne Weyant et surtout Murakami, qui rompait ainsi vingt-cinq ans de collaboration avec Tim Blum – ou Henry Taylor, qui intégrait l’écurie Hauser & Wirth en 2020. Sans oublier l’augmentation mirobolante des frais des participations aux foires. Le galeriste ne cachait pas qu’entre les transports, l’hébergement, les assurances et le personnel, la dernière édition d’Art Basel lui avait coûté 450 000 dollars.

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