Aux États-Unis, la fermeture de plusieurs galeries emblématiques, entre juillet et août, a mis le milieu de l’art en état de choc. Et signe la fin des années d’euphorie où les galeristes, sous pression d’un marché hautement spéculatif, dépensaient sans compter.
Nous avons étouffé sous les frais généraux, ce qui est assez classique. Le loyer, les expéditions, les foires… tous ces coûts ne cessent d’augmenter, tandis que les revenus s’effondrent
Olivier Babin, artiste et fondateur de la galerie Clearing à New-York
On peut dire que l’été fut meurtrier pour le marché de l’art, surtout américain. Avec un emballement en plein mois d’août, lorsque les annonces de fermeture de marchand s’enchaînaient quasi quotidiennement. À Los Angeles, Blum et Tanya Bonakdar annonçaient qu’ils mettaient la clé sous la porte. Tandis qu’à New York, Venus over Manhattan et Clearing communiquaient qu’ils cessaient leurs activités et Kasmin changeait profondément sa structure et prenait un nouveau nom. On ne parle pas ici de petites galeries ayant ainsi pâti d’un marché de l’art contemporain en difficultés, mais de lieux bien installés, parfois depuis plus de trente ans, dont le travail a forgé l’art des années 2000 et qui, malgré tout, n’ont pas eu d’autres choix que de jeter l’éponge.
S'inscrire
Newsletter
Soyez prévenu·e des dernières publications et analyses.
Une conjonction de phénomènes accélère les fermetures
Une conjonction d’indices explique cette hémorragie brutale, avec, à la pointe de l’iceberg, des problèmes de coût de fonctionnement devenus hors de contrôle. Portés par le marché florissant des années 2010, renfloués par l’argent libéré des restrictions dues au Covid après la pandémie en 2020, certains de ces marchands décidèrent de multiplier les ouvertures d’espaces à travers le monde.
Tim Blum, cofondateur avec Jeff Poe de la galerie qui portait son nom, avait ajouté à son adresse de Los Angeles une antenne à New York et une autre à Tokyo, employant ainsi une bonne cinquantaine de personnes pour assurer la représentation de sa soixantaine d’artistes. Notamment les Japonais Yoshimoto Nara et Takashi Murakami, que le marchand a fait connaître et reconnaître de ce côté-ci du soleil levant, avant qu’ils ne deviennent des mégastars.
Ce qui est dur, c’est que cette crise semble s’installer, contrairement à celle de 2008 où le marché avait rapidement redémarré. Il faut dès lors s’adapter, être prudent et limiter les frais
Sébastien Bertrand, galeriste Genevois
Cet automne, Tim Blum devait inaugurer sa nouvelle galerie installée dans le quartier de Tribeca à New York. Acheté 5,3 millions de dollars il y a deux ans, le bâtiment restera vide, le galeriste n’ayant pas décidé à quoi il le destinerait désormais.
Une dépense somptuaire à laquelle il a fallu ajouter la hausse des prix des loyers devenus exorbitants. Et aussi le fait que ces dernières années, plusieurs des artistes les plus lucratifs de la galerie avaient quitté le navire pour rejoindre ceux de Gagosian – comme Anne Weyant et surtout Murakami, qui rompait ainsi vingt-cinq ans de collaboration avec Tim Blum – ou Henry Taylor, qui intégrait l’écurie Hauser & Wirth en 2020. Sans oublier l’augmentation mirobolante des frais des participations aux foires. Le galeriste ne cachait pas qu’entre les transports, l’hébergement, les assurances et le personnel, la dernière édition d’Art Basel lui avait coûté 450 000 dollars.
Pour continuer à lire cet article, abonnez-vous maintenant
CHF 10.- par mois / CHF 99.- par année
- Accès illimité à tous les contenus payants
- Des analyses approfondies sur l'industrie du luxe que vous ne trouverez nulle part ailleurs.
- Des études et rapports sur les principaux défis à venir ainsi que leur décryptage.
- Des articles académiques élaborés par des professeurs et des doctorants membres du Swiss Center for Luxury Research, ainsi qu’un certain nombre d’universités à l’étranger.
- Des événements réservés aux membres pour enrichir vos connaissances et votre réseau.
Partager l'article
Continuez votre lecture
Art Basel 2025: quel bilan?
Art Basel a fermé ses portes le 22 juin. L’heure de faire le bilan d’une foire qui nourrissait tous les espoirs après deux années de dégringolades du marché de l’art contemporain.
Art: l’heure des néogaleries est venue
Face aux bouleversements du marché de l’art post-Covid, les galeries réinventent leurs modèles. Fini le simple white cube: place aux formats hybrides, entre chambres d’hôtes arty et jardins de sculptures dans des châteaux.
S'inscrire
Newsletter
Soyez prévenu·e des dernières publications et analyses.