AbonnéStratégie

Le paradoxe de Saint-Barthélemy

Aymeric Mantoux

By Aymeric Mantoux16 octobre 2025

Si les investisseurs internationaux ont le sourire, Saint‑Barth, l’île des Antilles françaises, incarne pourtant un paradoxe: terre d’accueil des ultrariches, elle ne parvient plus à loger les habitants ni les travailleurs qui font vibrer ses palaces. Reportage à Gustavia.

Le territoire de 24 km² pour une population de 12 000 habitants connaît une spéculation immobilière vertigineuse et ne permet pas aux revenus les plus modestes de se loger (Shutterstock)

3 Mio

Prix de vente d'un studio de 56 m² à Saint-Barthélémy

2017

L'ouragan Irma avait dévasté l'île cette année-là

70%

Pourcentage de la hausse des prix de l'immobilier depuis 10 ans

C’est un système pensé pour attirer les grandes fortunes, pas pour protéger les familles locales

Un artisan local du bâtiment

La petite île de Saint-Barthélemy, dans les Antilles françaises, voit son système de soutien à l’afflux de richesse, alimenté par une fiscalité généreuse, se confronter à une crise aiguë du logement et à un fort risque de dépeuplement et de déracinement de ses habitants. Si les investisseurs internationaux ont le sourire, Saint‑Barth incarne un paradoxe: terre d’accueil des ultrariches, elle ne parvient plus à loger les habitants ni les travailleurs qui font vibrer ses palaces. Pendant que les fortunes mondiales s’offrent yachts et villas atteignant parfois plus de 60 millions d’euros chacun, une partie du personnel se retrouve à cumuler les CDD, à devoir partager une chambre ou à s’exiler faute d’avoir un toit.

S'inscrire

Newsletter

Soyez prévenu·e des dernières publications et analyses.

Un paradis mué en paradoxe

Il est des cartes postales qui s’écaillent à force d’être surexposées. Saint-Barthélemy, confetti chic des Antilles françaises, en est l’exemple parfait: une île minuscule de 24 km², écrin des ultrariches, où les villas sortent de terre comme les champignons après la pluie, mais où les gens qui les construisent ou les entretiennent peinent à se loger. Ce qui devait être un paradis s’est mué en paradoxe. En se rendant sur l’île, le visiteur est saisi par l’élégance feutrée de Gustavia. Boutiques de luxe, beach‑clubs privatisés et voiliers amarrés au port. Mais dès qu’il pénètre dans les ruelles périphériques, le contraste est brutal.

L'homme d'affaires David Rockefeller avait fait construire cette villa à Colombier sur l'île de Saint-Barth en 1960. Elle a été récemment vendue pour 136 millions de dollars (DR)

Car derrière les beach-clubs saturés de rosé, les yachts en file indienne et les enseignes chic, se cache une crise sociale d’une intensité rare. Ici, une chambre se loue plus cher qu’un trois-pièces parisien. Là, un studio de 56 m² s’affiche à 3 millions d’euros avant même d’être construit. «Mon fils dort sur un bateau avec sa copine, car ils n’ont pas les moyens de se loger sur la terre ferme, alors qu’ils travaillent tous les deux», témoigne Jean, qui gère plusieurs maisons pour le compte de propriétaires métropolitains. Une jeune architecte qui vit et travaille avec son associé depuis dix ans dans un studio-bureau et souhaite conserver l’anonymat confirme: «Avec le renchérissement de l’immobilier, je ne sais pas combien de temps je vais tenir.» Six mois à peine après Irma, l’urgence reléguait déjà le logement à un luxe inaccessible.

Pour continuer à lire cet article, abonnez-vous maintenant

CHF 10.- par mois / CHF 99.- par année

  • Accès illimité à tous les contenus payants
  • Des analyses approfondies sur l'industrie du luxe que vous ne trouverez nulle part ailleurs.
  • Des études et rapports sur les principaux défis à venir ainsi que leur décryptage.
  • Des articles académiques élaborés par des professeurs et des doctorants membres du Swiss Center for Luxury Research, ainsi qu’un certain nombre d’universités à l’étranger.
  • Des événements réservés aux membres pour enrichir vos connaissances et votre réseau.

Partager l'article

Continuez votre lecture

Saint-Barthélemy: une destination de luxe aux défis urbains émergents
Business

Saint-Barthélemy: une destination de luxe aux défis urbains émergents

Saint-Barthélemy, une petite île des Caraïbes, conjugue un riche passé historique avec un marché immobilier de luxe en plein essor. Cette destination attire un tourisme de luxe international, engendrant des records de transactions immobilières. Toutefois, l’île est confrontée à des défis urbanistiques. Décryptage.

By Cécilia Pelloux

Ibiza: Comment l’île blanche continue-t-elle de séduire les ultrariches?
Voyage & Bien-être

Ibiza: Comment l’île blanche continue-t-elle de séduire les ultrariches?

Considérée comme la troisième destination la plus chère de la Méditerranée derrière Capri et Saint-Tropez, Ibiza continue d’attirer chaque année célébrités, millionnaires et amateurs de luxe. Mais comment parvient-elle à conserver son aura de prestige malgré les défis économiques, le surtourisme et les concurrents de taille comme Mykonos? Décryptage.

By Justine Offredi

S'inscrire

Newsletter

Soyez prévenu·e des dernières publications et analyses.

    Conçu par Antistatique