Italie: le luxe entre dans une nouvelle ère stratégique

Valentino, Armani, Prada, les trois grandes maisons de luxe italiennes sont en pleine recomposition, elles redessinent le futur du secteur en amorçant une nouvelle phase de consolidation et d’adaptation stratégique.

Chez Valentino, le changement de leadership s’inscrit dans l’urgence d’un redressement: Riccardo Bellini a été nommé CEO cet été et Davide Tosi a récemment pris le poste de Chief Merchandising Officer (CMO), dans un contexte où la maison, malgré sa renommée, a vu ses ventes stagner autour de 1,3 milliard d’euros en 2024. Kering et la société d’investissements Mayhoola ont d’ailleurs convenu il y a quelques semaines de renflouer la marque avec 100 millions d’euros pour sécuriser sa situation financière.

Chez Armani, la disparition de «re Giorgio» a mis en lumière un plan de succession ambitieux. Le groupe, qui a enregistré environ 2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024 mais a vu ses profits opérationnels se contracter, vient de constituer un nouveau conseil d’administration composé d’experts reconnus pour piloter la transition avec - selon le testament du créateur - une option de cession progressive d’une partie du capital afin d’assurer la pérennité et l’indépendance patrimoniale de la maison iconique. Il s’agit d’un rééquilibrage qui vise à protéger les licences (beauté, eyewear), qui représentent une part importante de la valeur du groupe.

Prada, quant à elle, joue l’offensive. Le groupe, composé jusqu’ici de de Prada et Miu Miu, a confirmé en avril 2025 l’acquisition de Versace pour un montant d’environ 1,25 milliard d’euros, une opération destinée à générer des fortes synergies industrielles. Parallèlement, selon ce qui a été confirmé par Andrea Guerra et Lorenzo Bertelli ces derniers jours, la maison affiche des ambitions de doubler sa taille à moyen terme, un objectif chiffré à 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires par la direction. En revanche, aucune acquisition supplémentaire n’est envisagée pour l’instant, a déclaré Andrea Guerra en marge d’un événement célébrant le 25ème anniversaire de l’académie du groupe.

Tous ces mouvements traduisent trois logiques complémentaires: Prada affiche une volonté de consolider avec Versace une entité commune puissante, capable de faire face aux dynamiques concurrentielles accrues dans le marché du luxe et à un univers économique plus instable ; Armani montre l’intention de «professionnaliser» la gouvernance avec Giuseppe Marsocci au poste de directeur général et Marco Bizzarri (ex-Gucci) comme consultant ; et Valentino vise un recentrage stratégique pour retrouver la rentabilité, un objectif délicat car la réduction des coûts pourrait impacter l’identité de la maison.

Sur le plan financier, les enjeux des trois stratégies convergent: maîtriser l’endettement, rationaliser les réseaux de distribution et investir dans la production «Made in Italy» et la chaîne logistique, tout en préservant la créativité.
Les acquisitions et restructurations récentes montrent que pour les trois groupes, la valeur et la résilience financière deviennent des critères décisifs pour affronter un marché du luxe de plus en plus volatil.