Prada a été vivement critiqué pour sa nouvelle ligne de « sandales » qui ressemblent fortement aux « Kolhapuri Chappals », des chaussures traditionnelles indiennes. Présentées lors de la Fashion Week de Milan qui vient de s'achever, dans le cadre de sa collection printemps/été 2026 pour hommes, co-conçue par Miuccia Prada et Raf Simons, Prada n'a fait aucune mention de l'origine indienne de ces sandales.
Cette omission a suscité une vive réaction contre Prada de la part des consommateurs de produits de luxe sur les réseaux sociaux et dans la presse indienne, qui ont accusé la marque d'avoir plagié sans scrupules le patrimoine artisanal indien. En réponse aux critiques croissantes, quelques jours après le défilé, Lorenzo Bertelli, directeur de la responsabilité sociale du groupe Prada, a publié une lettre reconnaissant l'autorité de l'Inde sur cet artisanat et la folie de Prada.
Les Kolhapuri Chappals, qui se distinguent par leur anneau caractéristique au niveau des orteils, sont traditionnellement fabriquées à la main en Inde depuis le XIIIe siècle. Leur confort et leur simplicité discrète les ont rendues populaires auprès de toutes les générations et de toutes les classes sociales. Aujourd'hui encore, des milliers d'artisans de Kolhapur, la ville indienne qui a donné son nom à ces chaussures, les fabriquent à la main dans des ateliers modestes et rudimentaires, où le savoir-faire ancestral prime sur les machines modernes et les prix exorbitants. Les Kolhapuri Chappals originaux, largement disponibles dans toute l'Inde, se vendent entre 10 et 40 francs suisses.
Alors que l'industrie du luxe occidentale se délecte des récits raffinés tissés autour de ses produits, elle a tendance à faire défaut en matière de valorisation responsable et d'inclusivité sincère. Ce n'est pas la première fois que l'expertise indienne est oubliée. De nombreuses maisons de luxe occidentales continuent de s'appuyer sur le savoir-faire séculaire de l'Inde. Si certaines choisissent de dissimuler cette partie de leur chaîne d'approvisionnement sous des accords de confidentialité avec les ateliers indiens, d'autres ont heureusement évolué et n'hésitent pas à la reconnaître.
C'est le cas de Louis Vuitton, qui a fait un effort visible pour embrasser l'inclusivité artistique lors de sa collection printemps-été pour hommes présentée lors de la Fashion Week de Paris qui vient de s'achever. La marque a fait preuve d'une collaboration multiculturelle réfléchie, qui a inclus des artistes indiens dont les contributions n'ont été ni négligées ni occultées. Le défilé a été accompagné d'une musique originale composée par le musicien indien oscarisé A.R. Rahman et d'un décor saisissant conçu par l'architecte indien Bijoy Jain. Tous deux étaient présents au défilé, leur expertise ayant été sollicitée de manière professionnelle et reconnue publiquement. L'authenticité de Louis Vuitton s'est imposée comme un acte conscient d'inclusivité culturelle.
Si la maladresse de Prada montre clairement que l'industrie occidentale de la mode et du luxe doit faire évoluer son approche en matière de sourcing créatif, l'Inde doit elle aussi renforcer ses efforts pour protéger son patrimoine. Par exemple, les Kolhapuri Chappals ne bénéficient que d'une protection locale de la propriété intellectuelle et d'une indication géographique (IG) reconnaissant leur origine régionale, ce qui peut s'avérer insuffisant pour protéger l'héritage artisanal et les droits financiers à l'échelle mondiale.
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