Rapport Deloitte 2025 sur l’horlogerie suisse: les montres traditionnelles en recul
Le dernier rapport Deloitte sur l’horlogerie révèle un changement de comportement générationnel et une chute importante de la part des consommateurs interrogés déclarant porter une montre traditionnelle. La smartwatch domine, surtout aux poignets des femmes et des jeunes générations.
Depuis deux ans, les difficultés économiques liées aux défis géopolitiques creusent les inégalités sociales. Le pouvoir d’achat des consommateurs est impacté et les statistiques des exportations de la fédération horlogère suisse le reflète. De plus, l’annonce en août 2025 de droits de douanes de 39% sur les montres suisses importées aux États-Unis a provoqué une réaction en chaîne. De grands acteurs de l’horlogerie comme Patek Philippe ont déjà relevé leurs prix de détail aux États-Unis (+15% ) pour compenser les coûts supplémentaires.
Une stratégie risquée, car le pouvoir d’achat américain montre des signes d’essoufflement: les dépenses réelles de consommation n’ont progressé que de 1,2 % au premier trimestre 2025, contre 4 % au dernier trimestre 2024. Dans le rapport, il est fait mention de «l'indice Deloitte Financial Well-Being qui confirme ce ralentissement de l'économie américaine. En effet, l'indice est tombé à 98,6 en juin 2025, contre 105,5 en décembre 2024 confirmant un climat de prudence et un ralentissement des achats de biens durables.» Les montres connectées, produites en très grande partie à l’étranger et surfant habituellement sur le même segment prix que les montres mécaniques ou à quartz suisse, représentent aujourd’hui une menace supplémentaire pour l’horlogerie suisse qui se renchérit.
Des marchés émergents plus dynamiques
Face à la contraction du marché américain, certains pays deviennent plus attractifs de par leur croissance prometteuse. L’Inde est de ceux-là, puisque ses importations horlogères ont progressé de près de 7 % entre janvier et août 2025, et de 30 % sur deux ans. Le Mexique, quinzième marché pour les montres suisses, voit également ses exportations croître; la richesse médiane y a bondi de 12,5 % en 2024, stimulant la demande. Les consommateurs mexicains se distinguent par une forte appétence pour la montre traditionnelle (62 % envisagent un achat) et connectée (69 %).
Un secteur sous pression
Le rapport met également en exergue la grande prudence des dirigeants horlogers interrogés: si 64 % restent confiants dans le segment haut de gamme (au-delà de 50 000 CHF), le pessimisme domine pour les gammes d’entrée et de milieu de gamme, puisque près de 60 % jugent leurs perspectives négatives. Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce sentiment, avec bien sûr les tensions géopolitiques et les droits de douane, mais également le franc suisse fort qui pénalise encore davantage les exportations, et la flambée du prix de l’or (+44,5 % sur un an).
Les fabricants de composants horlogers, eux aussi, sont sous pression, puisque, selon Deloitte 71 %d’entre euxont réduit leurs investissements et 65 % ont recouru au chômage partiel. Un signal d’alarme fort pour la santé future du tissu industriel horloger. En parallèle, une majorité (70 %) investit dans l’industrie 4.0, c’est-à-dire l’automatisation ou le contrôle qualité intégré, pour maintenir la compétitivité.
Des consommateurs plus rationnels
Du côté des consommateurs, le facteur prix s’impose comme le plus déterminant. Près de 58 % des acheteurs ne souhaitent pas dépenser plus de 1 500 francs suisses pour une montre traditionnelle (mécanique ou à quartz). Seuls 5 % des consommateurs mondiaux se disent prêts à investir plus de 50 000 francs, à l’exception de la Chine continentale (16 %) et de Hong Kong (18 %). En parallèle, le marché de l’occasion s’envole: 31 % prévoient d’acheter une montre de seconde main, surtout parmi les millennials (40 %). La principale motivation: le prix, cité par 53 % des répondants contre 44 % en 2021.
Le rapport révèle toutefois une évolution de fond sur le choix des consommateurs: seuls 26 % des consommateurs portent encore une montre traditionnelle contre 46 % en 2020, la smartwatch étant aujourd’hui la plus portée. Mais malgré cela, à la question de savoir si les consommateurs envisagent l’achat d’une montre dans l’année à venir, l’intérêt pour les montres traditionnelles reste solide, puisque 54 % pense faire l’achat d’une montre mécanique ou à quartz, presque autant que pour une montre connectée (53 %).
Commerce physique et e-commerce en équilibre fragile
Autre constat, les consommateurs continuent de miser sur les points de vente physiques: plus de 60 % des clients privilégient l’achat en magasin, les multimarques restant en tête (38 % contre 23 % pour les monomarques). Cependant, la fréquentation diminue, et la présence physique devient coûteuse, surtout en Suisse, dans un contexte de franc fort et de marges comprimées. L’e-commerce séduit, mais pour d’autres raisons: en tête la possibilité de comparer les prix (51 %) et de pouvoir acheter à tout moment (44 %).
Également mentionnée, la contrefaçon demeure un fléau pour le secteur: elle représente 1,44 milliard pour l’horlogerie suisse (source OCDE).
Dans ce contexte, il est primordial pour le secteur horloger de continuer à innover pour garder une attractivité auprès de la clientèle, ce qui reste pour l’heure une priorité pour les marques, selon les dirigeants interrogés.
Références
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Cette onzième édition de l’Étude Deloitte sur l’industrie horlogère suisse repose sur un sondage mené entre juin et juillet 2025 auprès de 111 dirigeants du secteur et de plusieurs experts de l’industrie. En parallèle, Deloitte a interrogé 6 500 consommateurs sur les principaux marchés des montres suisses : Suisse, Chine, États-Unis, Europe, Japon, Inde, Singapour et Émirats arabes unis
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