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Les mégayachts repartent en mer

Bettina Bush Mignanego

By Bettina Bush Mignanego01 septembre 2020

Malgré l'annulation du Cannes Yachting Festival 2020, rendez-vous nautique qui devait avoir lieu du 8 au 21 septembre, les chantiers navals italiens, leaders sur le segment des grands formats, semblent portés par un vent d’optimisme. En exclusivité, les patrons de Fincantieri et d’Azimut Benetti expliquent cette tendance à l’optimisme.

Le superyacht Ocean Victory de Fincantieri construit en 2014 mesure 140 mètres de long (DR)

Ce n'est pas un hasard si le premier véritable mégayacht de l'histoire a été construit à Viareggio, dans l’Italie des années 1970, sur l'ordre de l'entrepreneur saoudien Adnan Khashoggi: le Nabila, un nom choisi en l'honneur de sa fille et inauguré en 1979. À l'époque, 86 mètres de long et cinq ponts dessinés par Joan Bannenberg, des intérieurs conçus par l'architecte italien Luigi Sturchio, 22 cabines, un hôpital avec salle d'opération, une salle de cinéma, une discothèque, deux cuisines, une pâtisserie et 52 membres d'équipage pouvaient sembler une folie excentrique. Mais elle était surtout sa carte de visite pour conquérir la jet-set internationale. Ce n'est pas un hasard si le mythique groupe Queen lui a dédié une chanson et qu'il est apparu dans le film de James Bond "Never Say Never". Mais l'histoire du Nabila ne s'est pas terminée avec Khashoggi. En 1989, il est racheté par Donald Trump et rebaptisé Trump Princess. Il appartient actuellement au prince saoudien Al-Waleed et s'appelle Kingdom 5KR, tandis que le chantier naval de Benetti, acheté par Azimut, est devenu Azimut Benetti. C'est toujours une référence parmi les leaders mondiaux de la construction de yachts de plus de 24 mètres (selon le Global Order Book).

Le marché des superyachts, une croissance de 12% depuis cinq ans

Le mythique yacht Nabila conçu pour l'entrepreneur saoudien Adnan Khashoggi (DR)

Aujourd'hui encore, quelques quarante ans plus tard, l'industrie navale italienne continue de dominer le marché international des mégayachts avec pas moins de 268 bateaux en construction en 2019 sur un total de 621 dans le monde. Selon les données de l'UCINA Confindustria Nautica sur le secteur des mégayachts, en 2018, le secteur en question a connu une croissance de 78,5 % par rapport à 2010. Le marché du yachting de luxe, représenté par le segment des yachts et des superyachts haut de gamme, représente environ 8,5 milliards d'euros avec un taux de croissance d'environ 12 % au cours des cinq dernières années. Un record important qui n'a rien à envier aux autres secteurs du luxe du Made in Italy. Passant aux grands yachts, l'Italie a également produit deux superyachts qui figurent désormais parmi les 20 premiers au monde en termes de longueur avec Fincantieri, le plus important groupe naval européen, avec un chiffre d'affaires de 5,8 milliards d'euros en 2019.

Une des dernières réalisations de Azimut-Benetti (DR)


Mais comment expliquer la relative bonne santé du secteur des mégayachts? Giovanna Vitelli, vice-présidente dAzimut- Benetti explique: «Depuis 21 ans, nous sommes en tête du classement mondial de la production de yachts de plus de 24 mètres. Un marché florissant, également cette année, malgré la situation internationale. Notre principale préoccupation au cours des premiers mois de 2020 a été de pouvoir garantir la livraison des yachts. Nous avons organisé trois roulements dans tous les chantiers navals, et le fait d’avoir pu travailler dans l'eau et en plein air nous a permis de respecter les mesures sanitaires. Les commandes que nous avons reçues ces derniers mois ont confirmé le grand intérêt à investir dans des yachts importants, probablement parce qu'ils sont considérés comme un lieu sûr, et certainement aussi en raison du désir d'investir dans un bel objet. Aux États-Unis, notre premier marché, nous avons constaté une augmentation des ventes, deux fois plus importante qu'en 2019. Cette année à Cannes, nous devions présenter Magellano, le yacht de 25 mètres conçu par le designer Vincenzo De Cotiis, pour naviguer longtemps dans le plaisir absolu, avec une allure que je définirais de douce, parfaite pour profiter de la beauté de la mer».

Les esquisses du Nabila II qui n'a jamais vu le jour (DR)


Une philosophie résolument différente par rapport au Nabila, considéré aujourd'hui encore comme le yacht contemporain. Mais tous ne savent pas que Khashoggi n'était pas facilement satisfait, et même alors, dans ces magiques années 80, il pensait déjà à son Nabila II, resté à l'état de projet, le rêve inassouvi d'un bateau encore plus spectaculaire de 120 mètres de long, qui allait naître du meilleur des quatre designers les plus populaires, à savoir Bannenberg, Gilgenast, Paolo Caliari et Alberto Mercati. Une lutte remportée à l'époque par Alberto Mercati. Il se souvient: «Ce qui me fascinait alors, c'était de devoir penser au plus grand bateau du monde. C'est pourquoi j'ai repris l'idée des croiseurs allemands de la Seconde Guerre mondiale, des navires de course, comme le Pinguin. L'innovation était à tous les niveaux : dans la partie supérieure du yacht, coulissante, avec la piscine intérieure qui pouvait être agrandie, et le pont avant en forme de cobra. Khashoggi était enthousiaste, mais il a été arrêté et rien de plus n'a été fait. Cela aurait coûté 75 milliards de lires, mais ils ne m'ont même pas payé le projet… ».


Outre Azimut-Benetti et les rêves de Khashoggi, certains des plus grands superyachts que l'on peut voir en mer aujourd'hui ont été construits en Italie, et Daniele Fanara, vice-président senior de Fincantieri Yachts, parle de ces géants: «Pour ce segment particulier, Fincantieri Yachts a été créé au sein du groupe, et à ce jour nous avons construit deux des plus prestigieux méga yachts du monde, Serene, 134 mètres, livré en 2011, le 15ème au monde, et Ocean Victory, 140 mètres, le 11ème du classement, livré en 2014. Nous avons actuellement plusieurs projets en cours de développement». Et quand on l’interroge sur les dernières folies que l’on peut s’offrir sur ses superyachts, Daniela Fanara explique: « Je ne peux que les révéler de manière synthétique, mais vous pouvez avoir le hangar à hélicoptères qui disparaît sous le pont du navire, des piscines qui se transforment en piste de danse, un cinéma en plein air, ainsi que des cascades intérieures et extérieures, des salons tournants, des espaces de bien-être avec des salles de neige». Des exécutions que l'on retrouve dans le Serene, le yacht de Fincantieri appartenant au prince saoudien Bin Salaman, et qui, selon Artnet, y a récemment exposé le Salvator Mundi de Léonard de Vinci, le chef-d'œuvre qui a atteint le prix record de 450 millions de dollars. Un bijou à bord d'un autre bijou… Mais c'est une autre histoire qui mêle rêves, caprices et course au luxe extrême.

Le Serene, conçu par Fincantieri mesure 143 mètres de long. Il a été racheté en 2015 par le prince Mohammed ben Salmane (DR)

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