Tribune libre

Comment le luxe contourne-t-il les sanctions imposées en Russie?

Eva Morletto

By Eva Morletto29 septembre 2025

La maison italienne Brunello Cucinelli, spécialisée dans le cachemire, s’est retrouvée, fin septembre, au cœur d’une affaire embarrassante. En dépit des sanctions imposées par l’Union européenne contre la Russie, après l'invasion de l'Ukraine, les produits de la marque seraient toujours disponibles sur ce marché. C’est ce que révèle une enquête de Morpheus Research, publiée le 25 septembre dernier, intitulée «De Moscou à TJ Maxx».

L’organisation accuse le roi du cachemire Cucinelli de dissimuler ses pratiques commerciales en Russie. Toutefois, la maison de luxe a réagi fermement, expliquant que ses actions étaient conformes à la loi. Cucinelli a déclaré que ses magasins russes étaient fermés, que ses ventes en Russie étaient passées de 9% du chiffre d'affaires total en 2021, à seulement 2% aujourd'hui, et que ses ventes limitées étaient conformes aux sanctions de l'UE.

Alors que l’histoire se précise, on constate que Cucinelli n’est pas la seule marque de luxe encore disponible à Moscou. Après le début de l'offensive russe contre son voisin ukrainien, la grande majorité des groupes de luxe européens, à l’instar de Chanel, LVMH, Kering, ou encore Hermès, ont annoncé vouloir arrêter leurs activités de vente en Russie, pour ne pas entacher leur image à l'international. Selon les chiffres, plus d'un millier d'entreprises occidentales ont quitté la Russie depuis que le Kremlin a déclenché la guerre en Ukraine. Pour autant, plusieurs de ces marques de luxe ont gardé leurs locaux et boutiques moscovites. espérant redémarrer leurs activités une fois le conflit résolu.

Parallèlement, si les ventes en boutique se sont arrêtées, elles continuent partiellement via les sites russes en ligne et dans quelques grands magasins. Sur l’application Tsoum, on peut trouver plusieurs articles de luxe convoités par les acheteurs russes. Pour pallier l’absence de choix, une sorte de «nomadisme» du shopping de luxe s’est mis en place. Des destinations comme la Turquie, le Kazakhstan ou Dubaï en ont énormément bénéficié.

En Turquie, les Russes ont boosté le marché des biens de luxe. En effet, depuis 2022, leur croissance a atteint +25% selon les estimations de Bain & Company. Les oligarques investissent massivement en Turquie et à Dubaï, grâce aussi aux nombreuses liaisons aériennes avec ces pays. Pour transférer les fonds pour l’achat de biens de luxe et d’immobilier, les Russes fortunés emploient souvent des transferts en cryptomonnaie ou en or.
Selon une enquête menée par le quotidien italien Il Fatto Quotidiano, le Kazakhstan serait utilisé comme intermédiaire pour assurer l’arrivée de biens de luxe en Russie. Le pays n’est, pour l’heure, pas sanctionné, et les marchandises peuvent être légalement exportées selon les lois du commerce international en vigueur. Mais ces marchandises continueraient leur chemin vers la Russie via un marché parallèle.

Si ce commerce se confirme, les responsables risqueraient une amende pouvant aller jusqu’à 250’000 euros et six ans de détention. Le journal n’a pas évoqué les noms des marques impliquées.

Le cessez-le-feu avec l’Ukraine paraît encore loin, mais les maisons de luxe spéculent sur l’après-guerre, même si le marché qu’elles retrouveront sera profondément impacté avec une concurrence beaucoup plus forte de la part des marques nationales comme des marques chinoises, qui ont comblé les manques, surtout dans le domaine de l’automobile.

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