Surtourisme en Europe: quand les fortunés s’approprient les paradis des populations locales

Le surtourisme s’impose comme la grande menace de la période estivale, notamment dans les destinations dites tendances. En effet, en Europe, des petits villages pittoresques d’Espagne aux criques secrètes des Cyclades, le surtourisme est partout. En cause: les vols «low cost», les voyages all inclusive et l’influence des réseaux sociaux qui ont transformé ces petits paradis initialement réservés à une niche en aimant à touristes.

Si l’on considère les dix villes les plus visitées d’Europe, on observe que Dubrovnik, la perle croate, compte désormais 36 touristes par habitant, alors que Venise en compte 21, comme la vieille ville de Rhodes. Florence, Héraklion et Amsterdam comptent environ 13 touristes par habitant: une situation difficile à vivre pour les locaux, surtout pendant les mois d’été.

Pour pallier le phénomène, certaines destinations ont misé uniquement sur le tourisme de luxe. L’augmentation des prix et la hausse de qualité des services attirent davantage les voyageurs les plus fortunés. Cette clientèle, plus sélecte et plus restreinte, permet ainsi de générer autant de chiffre d’affaires aux infrastructures de tourisme et commerces locaux, sans mettre en péril l’environnement et le bien-être de la population locale, comme c’est le cas dans les destinations de tourisme de masse.

Mais ce choix a également son lot d’inconvénients, à commencer par l’inaccessibilité aux lieux prisés, tels que les établissements balnéaires, cafés et restaurants, aux locaux dont les revenus sont plus modestes, marquée également par une privatisation croissante des lieux les plus tendance.

C’est le cas de Comporta, village du bord de mer au Portugal, autrefois village de pêcheur à l’allure authentique, au fur et à mesure visé par un tourisme bohémien-chic et aujourd’hui très exclusif, avec pour conséquences la création d’établissements balnéaires qui frôlent les 200 euros par jour pour la location d’un parasol et deux transats, ainsi que des villas louées pour des montants avoisinants les 5000 euros par nuit.

Pour les locaux, déjà accablés par l’augmentation exponentielle des prix de logements, l’accès aux plages devient de plus en plus difficile. L'agence portugaise de l'environnement (APA) a constaté que de nombreuses plages de la région avaient été privatisées, une pratique pourtant illégale.

Selon le média Euronews, le magnat américain de l’immobilier Mike Meldman (fondateur de la société Casamigos, en partenariat avec l’acteur George Clooney), serait propriétaire d’un nouveau complexe de luxe à Comporta, le Costa Terra, critiqué pour avoir limité l’accès à la côte. Si la polémique au Portugal s’enflamme, on retrouve le même cas de figure à Paros, en Grèce. Le nombre de touristes dans le pays a augmenté de 13% l’année dernière, avec 40,7 millions de visiteurs. Les locaux ont lancé à Paros, perle des Cyclades, le «mouvement des serviettes», des manifestations spontanées de la part des habitants pour se réapproprier des plages occupées par des établissement balnéaires haut de gamme et inaccessibles pour eux.

Le surtourisme et l’augmentation des prix fait des ravages aussi aux Baléares: deuxième destination en Espagne après la Catalogne, l’archipel a accueilli l’année dernière 18,7 millions de touristes - en augmentation de 5% comparé à 2023. Les habitants représentent à peine 1,2 million d’habitants. Si le tourisme amène 45% de revenus à l’archipel, le revers de la médaille est bien visible désormais: les logements sont devenus de plus en plus chers, mettant en péril les services publics qui manquent de personnel, préférant vivre ailleurs.

Au vu du contexte alarmant pour le tourisme de luxe, une question se pose: où vont les ultra-riches pour être tranquille et fuir les polémiques locales? Des nouvelles destinations émergent, dans la discrétion. Les petites Cyclades font leur apparition dans la carte géographique des vacances chic. Paisible, prisée essentiellement par le tourisme grec, aujourd’hui la minuscule île de Koufonissi, avec son village caractéristique, ses moulins à vent et ses plages aux couleurs tropicales, est devenue un incontournable pour les riches en quête de calme. Autrefois très accessibles, les maisons de pêcheurs commencent à être louées pour des prix avoisinant les 1000 euros par nuit. Malgré la multiplication des établissements exclusifs, il est encore possible, peut-être plus pour longtemps, de trouver un hôtel moyen à haut de gamme avec des prix affichés aux alentours de 300 euros la nuit au mois d’août, mais les places sont limitées.

Si Comporta au Portugal a perdu de son authenticité, les riches se dirigent vers la voisine Melides, où un important centre et résidence pour artistes contemporains vient d’ouvrir, le Melides Art. Le styliste Christian Louboutin, après avoir acheté une villa à Comporta dans les années 1980, s’est d’ailleurs dirigé à Melides récemment, en quête de l’atmosphère que Comporta a perdu.