Mode

L’Afrique changera le visage du luxe de demain

Eva Morletto

By Eva Morletto19 mai 2022

La première société d’investissement consacrée aux marques de luxe africaines, Birimian Ventures, dont le siège est à Abidjan, poursuit son développement et vise un portefeuille d’une trentaine de maisons de luxe issues du continent.

Loza Maleomhbo, originaire de la Côte d’Ivoire, est classée au septième rang des trente jeunes entrepreneurs les plus prometteurs par Forbes Afrique (Maison Trendy)

À la tête de l’initiative Birimian Ventures, Laureen Kouassi Olsson est une femme d’affaires de grande renommée en Afrique pour ses intuitions et sa connaissance du monde de la finance internationale. Figure majeure dans le capital investment, elle a siégé à la tête de différents groupes industriels et financiers implantés dans le continent africain.

Les fintechs et le mobile money, deux leviers de développements

Présidente du groupe depuis plusieurs années, elle poursuit l’objectif de valoriser les jeunes créateurs en les poussant à franchir les échelons du marché international, tout en les accompagnant dans leurs stratégies marketing et financière. Le modèle d’affaire de Kouassi Olsson est principalement numérique, car en Afrique le secteur de la mode est pénalisé par les difficultés liées à la création d’infrastructures physiques consacrées à la vente, à la distribution, à la logistique et au stockage.

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Le développement d’une élite sur le continent influence fortement la croissance du secteur du luxe en Afrique (Shutterstock)

Pour pallier ces manques, les fintechs et mobile money sont de puissants leviers qui permettent aujourd’hui l’essor de nombreux secteurs économiques. L’e-shopping et les réseaux sociaux deviennent ainsi les vecteurs les plus importants pour booster la demande en matière de mode de luxe. Le développement des systèmes de transactions en ligne est tellement rapide que plusieurs États ont commencé à légiférer pour codifier et régler la concurrence. C’est le cas par exemple du Ghana, où le parlement a adopté une taxe de 1,75% appliquée à toutes les transactions supérieures à 12 euros. C’est également le cas au Cameroun, où une taxe de 0,2% perçue sur les opérations de mobile money à été approuvée le mois dernier, déchaînant une vague de protestations de la part des consommateurs.

Dans ce contexte, Birimian Ventures apporte son aide aux entrepreneurs africains de la mode et du luxe, par le biais d’un programme de mentorat et d’accompagnement stratégique et opérationnel des start-up, en tenant constamment compte du développement exponentiel des nouvelles méthodes de paiement et de la fintech.

Éviter que le savoir-faire africain profite aux grands groupes étrangers

Laureen Kouassi Olsson, femme d’affaires de grande renommée en Afrique, est à la tête de Birimian Ventures (Ferdi.fr)

Le nom de Birimian, adopté par sa fondatrice, est d’ailleurs riche de sens. Il vient de la région de l’Afrique de l’Ouest célèbre pour ses mines d’or et ses pierres précieuses. C’est de là que sont extraits un grand nombre de diamants. Malgré le fait que la moitié de la production mondiale provienne d’Afrique, les revenus qui découlent de l’activité des pierres précieuses pour les Africains sont très faibles. Laureen Kouassi Olsson ne souhaite pas que le même sort touche les nouvelles entreprises liées à la mode et au luxe qui se. Une multitude de talents, de créativité et de savoir-faire qui aurait pu encore une fois devenir l’objet d’investissements étrangers, décuplant les profits en écartant l’économie locale, pénalisée par le manque d’accès au capital, par les limites des réseaux de distribution et par la faiblesse dans l’organisation productive.

L’objectif de Birimian Ventures est de sortir de cette spirale et de mettre les entreprises africaines sur le devant de la scène, en tissant des liens avec de partenaires stratégiques, comme la société européenne de gestion d’actifs Trail. Parallèlement, elle a lancé un programme de développement avec l’Institut français de la mode (IFM), voué au soutien annuel de quelques marques sélectionnées parmi les maisons émergentes et de la diaspora.

Les marques africaines montantes

La marque originaire du Ghana, Christie Brown (Mwafrika Concept)

Parmi les jeunes marques qui se distinguent dans la galaxie Birimian Ventures, il y a Christie Brown, originaire du Ghana. Cette marque de prêt-à-porter a obtenu une reconnaissance internationale grâce à sa collaboration avec des stars aussi célèbres qu’Alica Keys ou Beyoncé. On retrouve également Loza Maleomhbo, étoile montante du stylisme africain, originaire de la Côte d’Ivoire et classée au septième rang des trente jeunes entrepreneurs les plus prometteurs, par Forbes Afrique.

Remarquable aussi le travail de la jeune société Mille Collines, marque de mode née de l’idée d’une couturière de Kigali et aujourd’hui développée au Rwanda, au Kenya et en Afrique du Sud.

Les marques qui utilisent les savoir-faire traditionnels sont nombreuses. C’est le cas de Post-Imperial (Nigeria), qui utilise une ancienne technique de teinture à la main inventée par le peuple Yoruba, originaire du sud-ouest du Nigeria. Un autre label nigérian, This is Us, puise également dans la tradition nationale et utilise du coton local, le Funtua, qu’il teint à la main dans les fosses de teintures séculaires de Kofar Mata dans la ville de Kano.

Mille Collines est une marque de mode développée au Rwanda, au Kenya et en Afrique du Sud (Afrodyssée)

La société d’investissement fondée par Laureen Kouassi Olsson permet aussi à des talents originaires d’Afrique de revenir dans leurs pays pour continuer leur aventure entrepreneuriale commencée à l’étranger: c’est le cas de Shekudo, une marque de chaussures née en Australie et aujourd’hui installée à Lagos au Nigeria. La designer Akudo Iheakanwa espère ainsi pouvoir contribuer à développer l’économie locale tout en mettant en valeur le savoir-faire de l’artisanat nigérien.

Dans un horizon à cinq ans, Birimian Ventures vise la constitution d’un portefeuille de 20 à 30 maisons de luxe et marques premium. En ce qui concerne la phase de l'incubation, le ticket d'entrée prévu varie entre 30 000 dollars et 70 000 dollars. Pour la phase successive de l'accélération Birimian prévoit entre 80 000 dollars et 500 000 dollars et au stade du capital croissance, le chiffre peut se situer entre 500 000 dollars à 3 millions de dollars.

Si le secteur du luxe ne pèse aujourd’hui que 2,5 milliards d'euros sur l’ensemble des pays africains – bien loin des records de la Chine – le continent voit le développement d’une élite ultraconnectée, principalement au Nigeria, en Afrique du Sud, ou encore au Ghana. Ces mégapoles africaines, destinées à devenir les nouveaux pôles d’attractions pour les marques de luxe traditionnelles européennes, elles sont surtout le tremplin exceptionnel des nouvelles étoiles montantes africaines.

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