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Alrosa, de la Sibérie aux diamants africains

Eva Morletto

By Eva Morletto11 avril 2022

Depuis le boycott des diamants russes, Alrosa et ses centaines de mines sous le permafrost sibérien font l’actualité. Qui est vraiment ce géant minier russe et jusqu’où porte son influence dans le réseau mondial du diamant? Décryptage.

La mine Mir dans la ville de Mirny aujourd’hui fermée. Sakha (Yakoutie) République, Sibérie orientale, Russie (Shutterstock)

Tout commence dans le cœur de la Russie, cette immense et glaciale Sibérie, où pendant des années, sous le joug de l’Union soviétique, des villes secrètes sans nom ont poussé, invisibles sur les cartes, pour cacher les expérimentations industrielles, chimiques et nucléaires qui y avaient lieu.La région de Yakutia en Sibérie cache aussi un autre important secret, un des plus précieux pour le Kremlin, un secret bien protégé dans ce sol gelé, à ces latitudes où le thermomètre peut descendre jusqu’à -60°: ses réserves de diamants.Sous le permafrost se cachent des centaines de mines qui font du géant minier russe Alrosa la plus puissante entreprise d’extraction de diamants du monde.

28% de la production mondiale de diamants provient du minier russe Alrosa (Shutterstock)

De ces gisements arrivent en effet 90% de diamants russes et 28% de la production mondiale. Le plus gros diamant russe jamais découvert, nommé « 26e Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique » et pesant 342 carats, a été sorti de la mine Mir en 1980. Alrosa appartient pour un tiers au Kremlin et un tiers au gouvernement régional de Yakutia. À la tête de l’entreprise, il y a Sergei Ivanov, dont le père est un proche de Poutine depuis le temps où ils travaillaient ensemble au KGB. L’année dernière, Alrosa a produit 32,4 millions de carats, pour des ventes estimées à plus de 4 milliards de dollars et un bénéfice net de 91 milliards de roubles. Rien que l’année dernière, la ville d’Anvers en Belgique, célèbre pour ses sociétés diamantaires, a importé pour environ 1,8 milliard de dollars de diamants bruts de Russie. Il s’agit d’un quart des gemmes importées. Avec les sanctions qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine et les atrocités commises par l’armée de Moscou sur les civils ukrainiens, le vent a soudainement tourné pour le géant minier russe.

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92% des diamants du monde entier sont taillés en Inde

Le siège new-yorkais de Alrosa a fermé et la compagnie s’est retirée du Responsible Jewellery Council, l’organisme qui veille à l’impact éthique sociétal et environnemental du commerce international des diamants. Selon le quotidien économique italien Il Sole 24 Ore, ces sanctions pourraient mener à une chute de 25% de la production mondiale de diamants. Si on considère que, parallèlement, les prix des diamants ont augmenté de 25% depuis septembre dernier et que les réserves mondiales sont en phase d’épuisement, tous ces facteurs pourraient déterminer une crise majeure dans le secteur.

92% des diamants du monde entier sont travaillés en Inde, ce qui permet aux diamants russes d'être reconnus comme prévenant de ce pays et d'éviter les sanctions imposées (Shutterstock)

Pour l’instant, le marché est faussé par le rôle ambigu joué par l’Inde dans le secteur des pierres précieuses. La plupart des diamants bruts produits en Russie passent en effet par ce pays pour être polis et taillés. L’Inde détient un primat: 92% des diamants du monde entier sont travaillés ici. Ce qui signifie entre autres que, une fois rentrés dans les laboratoires à Delhi ou Mumbai, les diamants russes perdent leur «nationalité» et deviennent automatiquement indiens. En conséquence, ils se retrouvent libérés des sanctions qui frappent aujourd’hui les produits russes. Les intérêts économiques de l’Inde dans ce secteur sont majeurs, elle fait d’ailleurs partie des pays qui se sont abstenus de voter pour la résolution adoptée par l’Assemblée de l’ONU condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le pays asiatique essaie de maintenir des liens commerciaux avec le gouvernement de Poutine, en acceptant des paiements en monnaie autre que l’euro et le dollar et au travers des réseaux bancaires en dehors du système Swift.

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