Défilé Métiers d’Art: Matthieu Blazy emmène Chanel au cœur de la mixité new-yorkaise

Matthieu Blazy a choisi New York, ville dans laquelle il a vécu plusieurs années, pour signer son premier grand défilé Métiers d’art à la tête de Chanel. Le directeur créatif franco-belge a opté pour une mise en scène souterraine très «new-yorkaise» qui nous révèle beaucoup sur son esprit et sur les ambitions de la maison, tournées vers le continent américain.

«Le métro new-yorkais appartient à tous. Tout le monde l'utilise: il y a des étudiants et des grandes personnalités, des hommes d'État et des adolescents. C'est un lieu propice à des rencontres énigmatiques mais merveilleuses, un choc entre des archétypes pop, où chacun a un but et où chacun est unique dans sa façon de s'habiller. Comme dans les films, ils sont les héros de leur propre histoire», a commenté Matthieu Blazy dans un communiqué.

En parallèle, la campagne du défilé, révélée ce dimanche 30 novembre, mettait en avant le rappeur A$AP Rocky et l’actrice Margaret Qualley, un choix des plus surprenants mais plutôt bien accueilli par la critique qui soupçonnait une éventuelle ligne masculine. Le duo était évidemment présent pour admirer le show depuis la station de métro new yorkaise.

Blazy, formé chez Raf Simons et passé par Margiela puis Bottega Veneta avant sa nomination chez Chanel, a transformé la station désaffectée de Bowery dans le Lower Eastwood Side de Manhattan en un théâtre urbain: les modèles descendent d’une rame, les bancs de métro sont détournés en podium, et la mise en scène permet de magnifier les tweeds iconiques, les broderies, les plissés et tous les savoir-faire de la maison de rue Cambon, en y injectant une dose de pop et d’ironie.

Le Métiers d’Art, vitrine annuelle des artisans collaborateurs de Chanel, a toujours servi de laboratoire symbolique pour la maison: l’événement souligne l’attachement à ses ateliers et à l’excellence artisanale, tout en testant des solutions contemporaines et innovantes pour présenter les modèles. Pour Matthieu Blazy, l’idée n’est pas de répliquer le faste de ses prédécesseurs, mais plutôt d’ouvrir la maison à un style plus proche des modes de vie actuels, tout en préservant les précieuses caractéristiques de l’ADN de la marque.

Ce moment clé d’expression créative intervient dans un contexte financier compliqué: Chanel avait publié l’année dernière des résultats marqués par un recul de son chiffre d’affaires. Le montant de ses revenus annuels en 2024 s’élevait à 18,7 milliards de dollars, soit une baisse de -4,3 % par rapport à l’année précédente. Dans ses communiqués, Chanel évoquait les problèmes soulignés également par les autres géants du luxe français: l’environnement macroéconomique difficile et la nécessité d’investir massivement pour sécuriser l’avenir de la marque. La direction a en effet augmenté ses dépenses en boutiques, immobilier et marketing, dans le but de consolider la structure commerciale et accompagner la relance créative.

Le défilé new-yorkais peut donc être interprété à la fois comme une expression artistique et à la fois comme un signal stratégique: Blazy et Chanel replacent l’artisanat au centre, avec pour intention d’affirmer davantage l’image de la marque et attirer l’attention d’un marché américain crucial. En misant sur un décor urbain et une narration inclusive, Blazy suggère une «modernisation douce» de Chanel, en respectant ses codes historiques mais en s’adressant en même temps à un public plus large et plus urbain. L’impact sur les ventes et la marque pourrait se faire sentir rapidement.