Stratégie

Comment Hublot active son réseau artistique depuis dix ans

Cristina D’Agostino

By Cristina D’Agostino10 février 2022

L’art fait-il bouger les lignes? La marque Hublot engageait le débat et invitait sa communauté artistique à célébrer les dix ans de collaborations baptisées Hublot Loves Art, à Miami.

Pour sa collaboration avec Hublot, le plasticien japonais Takashi Murakami a imaginé un cadran en mouvement figurant son personnage en forme de fleur (Hublot)

On sait l’art catalyseur de changement. Témoin des mouvements naissants, capable de provoquer et de fédérer dans le même temps, l’art est le meilleur allié des industries dont le quotidien est dicté par la nouveauté, comme par la désirabilité. En partenaire idéal, l’industrie du luxe est le secteur qui signe les plus nombreuses collaborations. La mode, la maroquinerie, l’hôtellerie, la joaillerie, la cosmétique et bien sûr l’horlogerie se positionnent sur la scène artistique. Pratiquement toutes les marques ont un jour conclu un partenariat avec un artiste. Hublot, justement, initiait son rapport à l’art en 2012. Chaque année, des montres concrétisent ce lien, cocréées par des artistes aussi variés que l’Américain Shepard Fairey issu de la scène street art californienne, le Français Richard Orlinski, plasticien réputé pour ses œuvres animalières ou l’artiste et designer anglais Samuel Ross, entré dans la famille Hublot Loves Art en 2020. Plus récemment, c’est le plasticien japonais Takashi Murakami, inventeur du mouvement «Superflat», qui imaginait un cadran en mouvement, figurant son personnage en forme de fleur sertie de 384 pierres de couleur.

Une remise en question des principes horlogers

Que signifient ces modèles signés d’artistes réputés? Peuvent-ils changer la manière de concevoir le temps? Bien sûr, la valeur commerciale des collections cosignées par les artistes est certaine. Souvent exécutées en série limitée, elles représentent des ventes assurées, une véritable plus-value en termes d’image pour la marque et de valeur patrimoniale pour le client. La montre Classic Fusion Takashi Murakami Sapphire Rainbow, par exemple, produite en seulement cent exemplaires s’achète 100 000 francs suisses en magasin.

Ricardo Guadalupe, CEO de la marque Hublot (Hublot)

Hublot travaille l’art de la fusion. Il était logique pour nous de collaborer avec des artistes capables de proposer une vision graphique disruptive

Ricardo Guadalupe, CEO de la marque Hublot

Pourtant, au-delà de sa valeur, quelle réelle avancée profite à l’innovation horlogère? Pour le CEO de la marque Hublot, Ricardo Guadalupe, c’est une vraie remise en question des principes horlogers: «L’idée de ces collaborations est née de l’envie d’aller chercher des influences créatives et artistiques. Depuis de nombreuses années, Hublot travaille l’art de la fusion. Il était logique pour nous de collaborer avec des artistes capables de proposer une vision graphique disruptive, une conception sculpturale des formes qui entre en fusion avec nos montres. Nos collaborations avec Maxime Plescia-Büchi ou Richard Orlinski sont deux exemples parfaits et elles symbolisent aussi de très grands succès commerciaux. Celui qui nous a le plus challengés reste Takashi Murakami. C’est un artiste très exigeant dans sa vision, qu’il désire construire sur le long terme. Il aime l’idée d’intervenir sur le cadran et de plonger dans la conception même du mouvement. C’est un vrai défi mécanique qu’il nous propose. Cette collaboration élève la marque.»

Quant à savoir quelles réflexions ces collaborations soulèvent chez les artistes concernés, Samuel Ross explique: «C’est à l’occasion de mon prix au Hublot Design Prize que j’ai pu vraiment rentrer en contact avec la marque Hublot. J’ai été frappé par leur approche créative. La marque est très sensible à trouver l’équilibre parfait entre innovation, forme et couleurs. Chez Hublot, il y a cette véritable «élasticité» du matériau, capable d’aller bien au-delà de ce qui est attendu. Il y a toujours cette audace quant à la direction artistique. C’est ce qui m’a donné envie de m’engager et de faire partie du projet. Il y a un dialogue possible pour trouver l’équilibre entre l’art et la commercialisation, entre l’expression et les besoins, les désirs et les envies du consommateur sophistiqué. Nous avons noué des dialogues serrés sur l’avenir de l’horlogerie et sur comment une marque de luxe doit évoluer pour accueillir une nouvelle génération de designers et de talents.»

Établir des ponts entre les univers créatifs

Artistes et ambassadeurs de la marque Hublot: (De gauche à droite) Mohammed Fayaz, Maxime P-Buchi, Marc Ferrero, Ricardo Guadalupe, Richard Orlinski, Shepard Fairey, Samuel Ross, Usain Bolt et Dustin Johnson, réunis à Hublot Loves Art Miami: Art Basel 2021 (Eugene Gologursky)

L’art touche les gens émotionnellement. Grâce à l’art, à ces initiatives, les gens se sentent plus connectés

Shepard Fairey, artiste street art

De fait, tous saluent dans ces initiatives le besoin de faire progresser les liens entre l’art, les industries et le public. Shepard Fairey précise: «L’art touche les gens émotionnellement. Avoir le courage de partager quelque chose de personnel avec les autres invite les publics à faire de même. Grâce à l’art, à ces initiatives, les gens se sentent plus connectés. Malgré le bruit et le chaos ambiants qui altèrent les rapports humains et détournent les gens du sentiment de solidarité, l’art peut guérir par le biais de la connexion et distiller des idées qui peuvent reconnecter à la nature et au monde.»

Si la collaboration n’est qu’un autre terme pour parler marketing, les partenariats prennent aujourd’hui davantage en compte le respect de l’artiste

Maxime Plescia-Büchi, designer, graphiste, typographe, tatoueur et fondateur de Swiss Typefaces

Maxime Plescia-Buchi à Hublot Loves Art Miami (Eugene Gologursky)

Pour autant, le discours n’est pas naïf. L’artiste lausannois Maxime Plescia-Büchi, designer, graphiste, typographe, tatoueur et fondateur de Swiss Typefaces, en collaboration avec Hublot depuis 2016 l’affirme : «L’histoire des collaborations entre l’art et les marques est longue. Les premières ont d’abord commencé dans le streetwear, puis se sont progressivement étendues au luxe. Elles sont passées du statut d’exception, un peu étrange, à la norme. Si la collaboration n’est qu’un autre terme pour parler marketing, les partenariats prennent aujourd’hui davantage en compte le respect de l’artiste. Si vous voulez collaborer, vous devez écouter ce que l’autre a à dire. Et le résultat doit être plus grand que la somme des parties, quelque chose qu’aucune des parties n’aurait pu faire par elle-même. Hublot, dans le monde du luxe, a parfaitement compris cette notion.»

Soutenir la jeune scène artistique

Ses rencontres et ses liens tissés dans le milieu de l’art, Hublot les doit parfois aux artistes eux-mêmes, souvent prêts à partager leur réseau. Mais depuis 2015, elle construit aussi une solide communauté de nouveaux talents qu’elle soutient chaque année lors du Hublot Design Prize. Cette distinction, dotée d’un prix substantiel de 100 000 francs suisses, permet de révéler et d’aider de jeunes artistes internationaux à émerger, dont Samuel Ross aujourd’hui mondialement salué pour ses créations protéiformes et plus récemment Mohammed Iman Fayaz, lauréat du prix du design Hublot 2021.

Construire une école d’art participe de ce processus. L’important est de donner une opportunité à la très jeune génération d’entrer en contact avec ce milieu

Carlito Fuente, CEO et héritier de la marque Arturo Fuente

Dernier soutien, plus indirect, que la marque Hublot défend depuis quelques années, passe par les fondations. Elle y contribue en reversant une partie des revenus générés par les montres réalisées en collaboration avec certains partenaires, en l’occurrence la marque Arturo Fuente établie à Saint-Domingue et qui projette la construction d’une nouvelle école d’art. La future institution dispensera ses cours aux 450 élèves du campus déjà existant et financé par la Cigar Family Charitable Foundation, aujourd’hui en main de Carlito Fuente. Sur les raisons qui poussent  l’héritier de la dynastie Fuente à bâtir cette école, Carlito explique : «Cette zone était connue pour être la plus difficile et la plus violente de la République dominicaine. C’était un endroit où l’on ne pouvait ni entrer ni sortir. Il n’y avait pas d’école, les enfants cherchaient du travail pour pouvoir manger. Des grèves éclataient dans les mines toutes les deux semaines. Construire ce campus a redonné espoir à la région. Une organisation sociale a pu naître de ce chaos. Construire une école d’art participe de ce processus. L’important est de donner une opportunité à la très jeune génération d’entrer en contact avec ce milieu, et faire naître des passions, des vocations et d’enrichir sa pensée.»

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