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La guerre en Ukraine oblige les maisons de luxe à se positionner

Aymeric Mantoux

By Aymeric Mantoux23 mars 2022

Pendant la pandémie, le monde d’après nous avait été dépeint plus solidaire. Le déclenchement de la guerre en Ukraine et les réactions en chaîne dans l’univers du luxe et de la mode l’ont confirmé, l’époque n’est plus aux atermoiements, mais aux choix radicaux.

Un grand nombre de marques de luxe ont montrés leur soutien à l'Ukraine durant la dernière Fashion Week à Paris (Shutterstock)

Le 3 mars dernier, sur le compte Instagram d’Isabel Marant orné d’une photo d’un sweatshirt bleu et jaune, les désormais célèbres couleurs du drapeau ukrainien, on pouvait lire: «Aujourd’hui, nous dévoilons notre collection automne-hiver 2022, l’un des moments de communication les plus importants de l’année. Nous voulons porter un message de soutien et de solidarité au peuple d’Ukraine». Bien entendu, la marque en profitait pour annoncer que le fonds de dotation Isabel Marant a versé de l’argent à l’UNHCR, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, afin de contribuer à l’aide humanitaire d’urgence. L’Oréal, Kering, LVMH annonçaient également des donations importantes de plusieurs millions d’euros en faveur de l’Ukraine, tout en interrompant l’ensemble de leurs activités dans le pays. Pas simple d’ailleurs pour les médias de mode ou de luxe sur place de poursuivre leur travail, comme le Elle par exemple, qui dispose d’éditions à Kiev ou à Moscou. «Nos journalistes sur place continuent à travailler, dans des conditions indescriptibles, confie Constance Benqué, présidente de Lagardère news. C’est compliqué de faire un magazine qui n’a plus aucun annonceur.»

Les réseaux sociaux demandent de l’engagement

Il est difficile de se sentir bien, de se concentrer sur les défilés et les vêtements, alors que nous écoutons avec le cœur lourd les dernières nouvelles

Olivier Rousteing, directeur créatif de la maison de haute couture Balmain

Des marques comme Chanel ou Hermès, entre autres, ont cessés toute relation commerciale avec la Russie (Shutterstock)

Car les marques de mode et les créateurs ont pris position de manière inédite contre l’invasion russe en Ukraine: des décisions de fermeture d’activité ont eu lieu, comme chez Hermès ou Chanel qui ont cessé toute relation commerciale avec la Russie de Poutine, où des mobilisations sans précédent ont émergé de la part de créateurs comme Olivier Rousteing, directeur créatif de la maison de haute couture Balmain, qui lors de la fashion week à Paris, déclarait au second jour de l’invasion russe: «Alors que nous montrons notre collection, nous sommes bien conscients qu’il se passe des choses plus importantes dans le monde aujourd’hui. Il est difficile de se sentir bien, de se concentrer sur les défilés et les vêtements, alors que nous écoutons avec le cœur lourd les dernières nouvelles.» Le designer appelait également ses followers sur les réseaux sociaux à se mobiliser et à effectuer des dons. La marque avait d’ailleurs effacé avant son défilé l’ensemble des images de son flux Instagram, qu’elle avait remplacé par un drapeau ukrainien.

Les marques ne peuvent pas rester en retrait. L’engagement que leur demande leur communauté de plus en plus jeune, engagée et en permanence sur les réseaux sociaux, leur impose de réagir

Un dirigeant du luxe parisien tenant à conserver l'anonymat

Balenciaga a distribué des t-shirts aux couleurs de l'Ukraine à son dernier défilé (Twitter Kyiv Independent)

Opportunisme ou élan spontané? Difficile à dire. Sans doute un peu des deux. Mais l’ampleur est unique. Balenciaga a même réalisé des chemises aux couleurs du drapeau ukrainien qui ont été remises à des influenceurs, bloggers et mannequins en amont du défilé parisien de la griffe. Chez Balenciaga, comme dans de nombreuses marques de mode et du luxe, cette mobilisation peut aussi être expliquée par la forte présence de communautés ukrainiennes, géorgiennes ou d’autres anciennes républiques soviétiques parmi les mannequins, les talents, les créateurs et designers, mais aussi de Polonais, Roumains ou Hongrois, particulièrement sensibilisés à la question russe. «Les marques ne peuvent pas rester en retrait. L’engagement que leur demande leur communauté de plus en plus jeune, engagée et en permanence sur les réseaux sociaux, leur impose de réagir», explique un dirigeant du luxe parisien qui tient à conserver l’anonymat. « C’est compliqué de se positionner entre les injonctions des consommateurs et les demandes des actionnaires», confie la directrice générale d’une enseigne de mode française qui a choisi de faire un don en nature aux réfugiés ukrainiens, mais en toute discrétion. Défilant à Milan à l’occasion du volet transalpin de la fashion week, Armani préférait de son côté présenter ses modèles sans musique, en silence, «en signe de respect envers les personnes impliquées dans la tragédie qui se déroule en Ukraine». En signe de respect, n’aurait-il pas mieux valu tout annuler? Certains ont hésité. Personne ne l’a fait.

Opportunisme ou élan spontané?

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