Innovation & Savoir-faire

«Virgil Abloh m’a appris un design optimiste et engagé»

Cristina D’Agostino

By Cristina D’Agostino22 février 2022

Samuel Ross, ancien premier assistant de Virgil Abloh est aujourd’hui un artiste complet. Sa marque de mode A Cold-Wall, ses collaborations multiples avec les plus grandes marques, dont Hublot, en font l’un des designers les plus prometteurs de sa génération.

L'artiste et designer Samuel Ross mise sur le minimalisme ainsi qu'un design social et inclusif (Hublot)

Samuel Ross, artiste, designer et fondateur de la marque de mode A Cold-Wall est un créateur prolixe, dont l’étendue des champs d’expression artistique est large. Maître du minimalisme, partisan d’un design social et inclusif, intellectuel formé à l’art dès le plus jeune âge, les réalisations polymorphes de ce designer anglais né à Brixton trouvent leurs racines dans ses années d’apprentissage et de travail comme premier assistant aux côtés de Virgil Abloh, aujourd’hui disparu. Dès 2012, il travaille sur une multitude de plans créatifs avec lui, de sa première marque Pyrex Vision à la naissance de Off-White. De cet héritage il gardera une envie de créer avec optimisme et engagement. Ses réflexions ultracérébrales, mais appliquées de manière fluide sur ses supports de création, comme le design graphique, l’illustration, la mode, le streetwear, la signature scénique, sont autant d’expressions qu’il a eu l’opportunité d’affiner avec Virgil Abloh. Aujourd’hui, sa vision du design est généreuse. Il continue de l’exercer pour sa marque A Cold-Wall, comme pour ses collaborations avec Nike, Apple, Diesel, Converse ou encore Hublot. C’est d’ailleurs à Miami, lors d’une rencontre exceptionnelle organisée par la marque horlogère suisse en marge de Art Basel Miami en fin d’année dernière que Luxury Tribune a pu rencontrer Samuel Ross. Nommé ambassadeur Hublot depuis 2020, sa carrière est jalonnée de prix, dont plusieurs British Fashion Awards, Le Hublot Design Prize ou encore l’International Woolmark Prize. Docteur en lettres, Samuel Ross est à 32 ans l’un des plus prometteurs designers de sa génération.

Vous avez eu la chance de travailler avec Virgil Abloh en tant que premier assistant pendant des années. Quels enseignements en tirez-vous?

Après avoir gagné le Hublot Design Prize en 2019, Samuel Ross est devenu Ambassadeur de la marque en 2020 (Hublot)

J’ai appris l’optimisme avec Virgil, mais aussi la grâce, la manière de s’engager avec sa communauté créative, la capacité à associer deux mondes en un seul dialogue, comme peuvent l’être le design et la mode. Et de l’intégrer au centre de notre vie. J’ai travaillé pour Virgil Abloh pendant de nombreuses années, il a été mon directeur, puis mon mentor, puis un frère et un ami. Il engageait constamment un dialogue sur l’optimisme, la grâce et l’intelligence, avec une perspective sociétale sur la façon dont le design peut être utilisé comme instrument de changement, et sur la façon dont le luxe peut vraiment jouer un rôle en tant que symbole d’aspiration et de grande vertu.

Au fil de votre carrière, vous avez collaboré avec un grand nombre de marques. Quelles sont celles qui vous ont permis de faire avancer votre démarche, de défier vos principes?

Il y en a quelques-unes qui se distinguent. Avec Hublot, j’ai pu observer un respect de la précision tout au long du processus créatif de la montre, avec une efficacité de fonctionnement très juste, que l’on retrouve dans le produit, dans l’ingénierie. L’audace est au cœur de la réflexion. Mais c’est aussi ce qui caractérise son horlogerie, cet esprit de rupture et d’innovation dans les matériaux, les couleurs, les échelles de mesure microscopiques. Je pense également à Nike et Apple. Pour moi, ces trois collaborations sont allées au-delà du produit, pour s’immiscer dans la culture.

À quoi rêvez-vous en tant que designer?

De célébrer l’optimisme dans le design, et dans le même temps de penser à la signification d’un objet en l’abordant par la pensée critique. Dans une certaine mesure, il doit questionner le politique, le social.

Comment cela se traduit-il concrètement?

Il faut choisir un domaine dans lequel s’engager complètement. Pour moi, il s’agit de la conception de vêtements, de mobilier, de design urbain et d’art. C’est sans limites. Si je peux changer les choses, dans le monde de l’infiniment petit, une montre et dans l’infiniment grand, en architecture urbaine, j’aurai atteint mes objectifs.

Vous êtes également un artiste. Comment vos œuvres peuvent-elles réussir à faire évoluer une problématique sociale, à faire bouger les lignes?

Samuel Ross intègre, à travers les matériaux et la forme de son art, les innovations et les désirs du public (Hublot)

Je pense qu’il y a deux façons d’utiliser l’art. La première est d’ordre cathartique. Lorsque je fais des croquis ou que je découvre de nouveaux matériaux avec lesquels créer, débute alors un dialogue entre ce que je ressens, parfois inconsciemment, et ce qui se trouve naturellement autour de moi. Cela peut quelques fois produire des œuvres radicales. La radicalité d’une œuvre a souvent une forte empreinte visuelle, un langage qui devient alors un point de questionnement, un point d’entrée pour le spectateur, et c’est pour moi porteur d’espoir, car cela fait entrer en dialogue avec la création. Et l’autre forme est celle qui intègre les besoins, les innovations, les désirs du public. Il faut alors trouver des moyens d’amener ces informations à travers les matériaux, la fonctionnalité, la forme.

Comment votre marque A Cold-Wall évolue-t-elle?

Avant l’arrivée du Covid, nous ne présentions que deux collections par an. Maintenant nous en présentons quatre: les deux saisons principales et les précollections. Cela nous a donné l’occasion de diversifier notre langage en fonction de différents publics. Les précollections sont plus axées sur la technicité, le look urbain et athlétique, le streetwear. Pour nos collections principales, nous nous concentrons davantage sur un langage intellectuel, créatif. Les vêtements sont beaucoup plus ésotériques, beaucoup plus expressifs dans leur forme et la façon dont les matériaux sont utilisés. L’un est beaucoup plus technique, et l’autre beaucoup plus artisanal.

Est-ce que vous êtes toujours propriétaire de votre marque?

Je suis le propriétaire majoritaire de l’entreprise, mais j’ai un partenaire commercial. Je suis associé à « Tomorrow holding », une société d’investissement spécialisée dans la vente au détail et la distribution de produits de mode, basée à Milan et à Londres. Nous travaillons ensemble depuis quatre ans maintenant. Et j’ai également créé une marque sœur, plus petite, Polythène, qui a très bien démarré. En six mois, nous avons réussi à atteindre un chiffre d’affaires à sept chiffres. C’est une marque plus accessible, pensée pour de plus jeunes publics.

Que pensez-vous de certaines marques qui ne créent que de la mode numérique en 3D? Seriez-vous intéressé de rejoindre un jour ce concept de mode virtuelle, plus durable?

Jusqu’à présent, nous nous sommes plus concentrés sur le virtuel pour le design, que ce soit pour la mode ou le mobilier. Je pense qu’il existe un artefact physique et un artefact numérique. Ce n’est pas l’un ou l’autre, ce sont les deux. Je cherche à savoir d’où vient l’inspiration de ces deux éléments. Nous avons mis un peu plus de temps à nous intéresser aux vêtements virtuels, car une grande partie de nos vêtements sont axés sur la sensibilité des matériaux. Je réfléchis encore à la manière dont les vêtements s’engagent dans le métavers, mais ils seront là, totalement.

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