Innovation & Savoir-faire

Stéphanie Manon, CEO d’Akillis: «Le bijou homme connaît une forte dynamique»

Face aux grands groupes de luxe et à la multiplication des rachats d’ateliers de bijoutiers par les géants du secteur, la marque de joaillerie française Akillis fait valoir son concept de créations mixtes, adopté depuis des années, et aujourd’hui en croissance. Stéphanie Manon, directrice générale, l’explique.

Sur la photo, Stéphanie Manon, CEO d'Akillis à gauche, et à droite, Caroline Gaspard, la fondatrice de la marque (Akillis)

Son allure rock, ses formes fortes et quelques fois chocs sont totalement assumées. Loin d’être lisse pour plaire à tous, Akillis est pourtant la plus inclusive du marché. La jeune maison de joaillerie fondée par Caroline Gaspard, il y a plus de quinze ans, a des ambitions et lutte pour les atteindre dans un marché dominé par les grands groupes. Les stratégies de Stéphanie Manon, à sa tête depuis un peu plus d’un an, éclairent un secteur très compétitif.

Akillis sous la vision de Caroline Gaspard, travaille avec une collection de pierres précieuses exceptionnelle, constituée entre autres de Paraíba, une pierre rare, des saphirs étoilés, des tourmalines ou des émeraudes (Akillis)

À votre arrivée en 2022, qu’avez-vous souhaité apporter à la marque?

Stéphanie Manon. Il y a dix ans, le marché du luxe n’était pas celui d’aujourd’hui; il y avait une vraie frontière entre le segment premium et le luxe. Actuellement, elle s’atténue. Le luxe va chercher son accessibilité, veut être désirable même avec un produit d’entrée de gamme. C’est ce que j’ai entrepris de faire chez Akillis, et apporter un alignement entre le talent de sa fondatrice et créatrice Caroline Gaspard et l’image de la marque. Il y avait comme une dichotomie, qui s’efface aujourd’hui. Ce qui reste non négociable pour Caroline, c’est le compromis sur le design et la finition du bijou.

Quelle était votre perception de la marque à votre arrivée et quelle est votre ambition?

Le pendentif Python d'Akillis, conçu en or blanc 18 carats et serti de diamants, allie design graphique et sensualité sous la vision de Caroline Gaspard, rendant hommage aux ondulations hypnotisantes du serpent. La collection peut aussi bien être portée par un homme, que par une femme (Akillis)

Akillis a toujours été à mes yeux une marque de luxe faite de créations fortes, haut de gamme et totalement mixte, pour homme comme pour femme. C’est une approche très moderne et, malgré tout, encore unique, car globalement, l’approche en joaillerie est encore très segmentée. La société a évolué, et d’ailleurs, nous venons de retravailler intégralement notre site internet dans ce sens, à savoir que le client, qu’il soit homme ou femme, n’est plus différencié.

Comment vous distinguez-vous de vos concurrents?

Nous proposons des créations mixtes. Nous sommes moins minimalistes et avons toujours un twist inventif sur le pavage, le volume, dans un équilibre entre savoir-faire joaillier innovation. Nous allons chercher des techniques de pointe, emprunter des avancées en horlogerie, en aéronautique ou dans l’univers automobile; des matériaux spécifiques que nous allons associer à de l’or, que nous allons sertir, pour en faire un bijou. Le défi et l’innovation sont deux moteurs essentiels. Tout peut être un bijou. Ensuite, notre style est géométrique, dynamique, pointu ; il peut se porter dans dix ans, tout en le reconnaissant immédiatement. C’est ce qui m’a plu.

Y a-t-il un client type Akillis?

Nous avons un éventail très large. Bien sûr, le jeune homme sportif, esthète, qui aime la force que le bijou lui procure en le portant, est un client Akillis. Tout comme, à l’opposé, une femme de 40 ans, qui a déjà été vers d’autres marques joaillière, et qui veut un bijou que tout le monde n’a pas et qui représente véritablement qui elle est. C’est une femme qui se sent sûre d’elle et qui veut le montrer. Nous recevons beaucoup d’hommes qui n’ont jamais porté de bijoux, qui découvrent que le titane serti de diamants, c’est très agréable !

Taylor Swift porte des bagues en diamant Akillis à la première du film «ERAS Tour» à Los Angeles (Akillis)

Quels publics sont encore à conquérir?

Nous avons aujourd’hui l’ambition d’attirer une clientèle féminine qui s’ouvre à la joaillerie et qui ne viendrait pas spontanément chez Akillis. Nous comptons sur les amis de la marque: des sportifs, des artistes de grand talent qui font partie de notre communauté pour nous approcher de cette clientèle encore peu familière avec Akillis. Se démarquer n’est pas facile face aux grands groupes qui déploient des moyens colossaux. Cependant, nos expériences en boutique plaisent. Caroline a réussi à construire une collection de pierres précieuses exceptionnelle, constituée entre autres de magnifiques Paraíba, une pierre rare, des saphirs étoilés, des tourmalines ou d’émeraudes. Nous avons beaucoup à partager, entre la pédagogie et l’expérience.

Vos prix sont-ils également positionnés pour être plus attractifs?

Oui, bien sûr, nous sommes accessibles. Chez Akillis, une femme ou un homme de tout âge va se sentir à l’aise, grâce à notre univers inclusif. Nos prix commencent à un peu moins de 300 euros, jusqu’à de la haute joaillerie.

Quel est votre réseau de distribution?

La collection de bagues Capture in Motion, pièces iconiques d'Akillis. La collection Capture représente la vision personnelle de l'amour selon Caroline Gaspard (Akillis)

Nous avons 25 points de vente en France, une quinzaine en Europe, dont une boutique à Paris, rue du Faubourg St-Honoré, six aux États-Unis. Là, cela va bientôt évoluer et grandir, puisque ce sont de grands clients de la marque. Nous sommes très bien accueillis en Corée et à Hong-Kong. En résumé, nous comptons 70 points de vente et nous visons une centaine de magasins d’ici un an et demi, ainsi que l’ouverture de deux boutiques supplémentaires en France. Nous avons une vraie carte à jouer chez les revendeurs de villes secondaires, moins intéressées et moins sollicitées par les grandes marques. Beaucoup en sortent, à nous d’y entrer.

Quelle est votre capacité de production?

Nous avons une belle capacité de production, avec deux ateliers à Lyon, un atelier à Besançon, du sertissage à Genève et également du savoir-faire en Espagne. Nous réfléchissons à une certaine intégration de la production, pour garantir une sécurité de l’approvisionnement, car les grands groupes rachètent beaucoup d’ateliers en ce moment. Aujourd’hui, nous cherchons des unités de production dans lesquelles acheter des parts, afin de maintenir et pérenniser nos partenariats. Cette tendance, menée par les grands groupes, nous oblige à le faire, si nous voulons poursuivre et grandir. C’est toute la problématique de l’industrie aujourd’hui.

Depuis 2022, Akillis suit les standards du Responsible Jewellery Council (RJC), garantissant que la chaîne de production et les matériaux utilisés sont issus de méthodes éthiques. Actuellement, 80% des collections sont réalisées avec des métaux précieux recyclés (Akillis)

Être indépendant vous donne de la flexibilité. Avez-vous un avantage compétitif également sur le volet de l’innovation?

Oui, l’innovation est notre ADN, c’est central. L’aluminium, par exemple, était un nouveau matériau que nous avons réussi à sertir en 2023, tout comme le titane bleu était aussi très novateur, lors de son lancement il y a deux ans. Ce sont souvent des matériaux venant de l’industrie automobile que nous aimons détourner et féminiser. Tous ces investissements représentent environ 30% de notre chiffre d’affaires. Nous sommes en pleine croissance et le marché du bijou homme connaît une forte dynamique. Sur ce point, 2023 a été une excellente année où nous avons réussi à doubler nos ventes.

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