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MonteNapoleone District: les voies du luxe milanais entre crise et renaissance

Gaia Passi

By Gaia Passi28 octobre 2020

Comment le quadrilatère de la mode italienne affronte-t-il la baisse drastique du tourisme de luxe? Guglielmo Miani, président du district de MonteNapoleone expose ses solutions, en exclusivité.

EUR 1 800

la dépense moyenne par personne/jour dans MonteNapoleone District

EUR 1 000

la dépense moyenne d'un client italien pour de la mode haut de gamme

34%

des achats par les clients étrangers en Italie sont effectués à Milan

Le Quadrilatero della Moda se classe en tête des destination shopping de luxe en Europe avec la plus importante facture moyenne par personne et par jour (Shutterstock)

Le Quadrilatero della Moda (également appelé Quadrilatero d'Oro) a toujours été l'un des fleurons de Milan, et une référence en matière de luxe dans le monde entier: un carrefour de ruelles bouillonnantes de vie situé au cœur de la ville, où les touristes étrangers pouvaient dépenser jusqu'à 2400 euros en une seule séance de shopping, et où la facture moyenne avoisinait les 1800 euros. Plus que sur l'avenue Montaigne à Paris (en deuxième position avec 1 730 euros) et la Calle de Ortega Y Gasset à Madrid (1 600 euros - selon les chiffres de 2017 calculés par la société de recherche Global Blue).

Les travaux de réaménagement du MonteNapoleone District vont très rapidement commencer. Un accord avec la mairie de la ville de Milan ayant été signé il y a peu. (DR)

Puis vint le Coronavirus qui changea le visage de nos villes, et bien sûr le pôle du luxe milanais: les vitrines scintillantes furent remplacées par des volets baissés, et le «bavardage» des habitants et des touristes à MonteNapoleone, par un désert de silence parsemé de quelques masques ...Et maintenant? Les premières données sur la «phase 2» montrent que la pandémie de Covid-19 a inversé la tendance de croissance pluriannuelle de l'économie milanaise. En particulier, les prévisions pour la fin de 2020 montrent une baisse de 7,7% du PIB pour Milan. Au premier trimestre 2020, le chiffre d'affaires du commerce a enregistré une baisse de 6,7%, atteignant -9,8% pour le secteur de l'habillement (rapport «Milano Produttiva», produit par le département des études statistiques et de la planification de la Chambre de commerce de Milan Monza Brianza Lodi). «À ce jour, l'économie de notre territoire est dangereusement suspendue entre les dommages sans précédent causés par l'urgence de Covid et le difficile retour à la croissance», commente Carlo Sangalli, président de la Chambre de commerce de Milan Monza Brianza Lodi.

Bien sûr, il s'agissait surtout du tourisme d’achat, le troisième poste de dépenses après l'hébergement et la restauration, surtout dans une ville comme Milan, en première place des destinations préférées des touristes avec 34% des achats effectués par les étrangers en Italie (données Federmodaitalia-Confcommercio).

En ce qui concerne les produits de luxe, la récente étude «Luxury Study Spring 2020», Bain&Co et Altagamma prévoit une réduction du chiffre d'affaires entre 20% (dans le meilleur des cas - celui-là même qui prévoit une reprise importante dès le troisième trimestre) et 35% (si les effets négatifs de la pandémie se prolongent pendant longtemps) pour les «produits de luxe personnels». Parmi les biens de luxe, les pires impacts sont estimés pour la joaillerie (-23%), les montres (-25%) et les vêtements (-21,5%), tandis que pour les articles en cuir (-17%) et les cosmétiques (-13%), la baisse sera plus faible.

«Les consommateurs voient un monde qui a profondément changé et auquel les marques de luxe devront s'adapter», commente Federica Levato, partenaire de Bain & Company et co-auteur de l'étude. La protection dans les magasins sera obligatoire, toujours associée à la magie de l'expérience du luxe: des moyens créatifs d'attirer les consommateurs dans le magasin, ou de leur faire parvenir les produits directement, feront toute la différence. La vitesse de croissance de ce marché dépendra des réponses stratégiques des marques à la crise actuelle et de leur capacité à transformer l'industrie du luxe au profit des consommateurs».

Nous en avons parlé avec Guglielmo Miani, président du district de MonteNapoleone, - l'association qui regroupe plus de 150 marques de luxe des rues de MonteNapoleone, Verri, Sant'Andrea, Santo Spirito, Borgospesso, Gesù et Bagutta - ainsi que président et directeur général de Larusmiani.

Guglielmo Miani, président du district de MonteNapoleone (DR)

Comment s'est passée la reprise après l'été?

Nous n'avons pas encore de données officielles, mais depuis le début du mois de septembre, nous avons constaté une amélioration du chiffre d'affaires de toutes les marques de MonteNapoleone par rapport aux mois précédents. Entre mars et juin, les gens n'avaient ni besoin ni envie de faire du shopping de luxe. Nous commençons maintenant à voir un redressement, surtout parmi la clientèle plus jeune, les 20-30 ans, qui a moins souffert de la crise.

Comment votre clientèle a-t-elle évolué?

En l'absence d'étrangers (dans la première période de confinement, nous avons atteint -98%), nos clients sont principalement des Italiens qui, ne pouvant pas voyager, dépensent davantage dans notre pays. Ils sont pour la plupart Milanais, ou ceux qui voyagent pour les affaires ou le plaisir et en profitent pour s'arrêter dans le Quadrilatère pour faire quelques achats; les étrangers sont principalement européens, bien que l'on commence à voir maintenant quelques Russes et quelques Américains, qui arrivent probablement d'autres pays.

Combien les Italiens dépensent-ils dans le luxe?

La dépense moyenne du client italien est de 1000 euros, tandis que l'étranger dépense en moyenne 2117 euros: il s'agit de la recette certifiée la plus élevée au monde dans le secteur de la mode (habillement).

Quels sont les projets de relance pour le district de MonteNapoleone?

Depuis des années, nous parlons du réaménagement du Quadrilatère et depuis des années, je frappe à la porte de la mairie pour obtenir une autorisation. Nous sommes enfin parvenus à un accord et un sponsor investira 4 millions d'euros: les travaux - qui devraient commencer le plus tôt possible - prévoient d'augmenter la surface du trottoir, de restaurer les routes, de changer l'éclairage et d'autres interventions pour encourager les piétons à se promener. Les événements peuvent être un autre levier de relance: du 5 au 11 octobre s'est tenue la Vendemmia di MonteNapoleone, le rendez-vous traditionnel qui voit les boutiques du Quadrilatero s'associer avec les caves les plus prestigieuses.

Comment cela s'est-il passé?

Ne pouvant pas célébrer la convivialité, les événements se sont déroulés sous une forme plus privée que par le passé. Nous avons créé une application pour les participants, où vous devez indiquer le jour et l'heure de la visite afin de garantir la distanciation et la sécurité des invités. Nous préparons actuellement le salon de l'automobile en plein air de Milan Monza, qui aura lieu fin octobre et où les voitures défileront sur MonteNapoleone, et en attendant, nous réfléchissons déjà aux initiatives de Noël.

Comment les magasins du Quadrilatère ont-ils fait face à la baisse du nombre de clients dans les boutiques?

Les grandes marques ont beaucoup utilisé les canaux numériques, tels que les sites sociaux et Internet. Mais beaucoup ont également trouvé de nouveaux moyens de communiquer avec leurs clients, en les contactant par téléphone ou via WhatsApp pour les informer des offres et des nouveaux produits, en envoyant les marchandises directement à leur domicile et en organisant des rendez-vous individuels en magasin.

Pensez-vous que le commerce électronique peut remplacer l'expérience de la boutique?

Notre esprit est conçu pour la socialisation, donc je pense que les magasins continueront d'exister, surtout dans les grandes villes, et surtout dans un lieu comme Milan où le shopping de luxe est concentré dans un seul quartier, unique au monde.

Un pronostic sur l'avenir?

Je suis convaincu que l'Italie, après les difficultés initiales, a bien réagi à la crise. Nous n'étions pas prêts, mais nous avons pris des mesures fortes et surtout nous les avons respectées: cela nous a permis de surmonter la phase la plus aiguë en nous en sortant mieux que d'autres pays, à tel point que même le Financial Times, dans un article récent, a fait l'éloge de la gestion italienne de la pandémie. Mais nous dépendons du tourisme, c'est un fait: et la priorité doit maintenant être de faire revenir les étrangers dans notre pays.

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