Innovation & Savoir-faire

«Los Angeles devient la Silicon Valley du métavers»

Cristina D’Agostino

By Cristina D’Agostino13 avril 2022

Eric Holdener, fondateur de la société américaine Kinestry, à la pointe du développement de solutions technologiques innovantes pour le métavers et les NFTs, raconte pourquoi l’avenir est sur le Web 3.0 grâce au «brand univers expansion».

Kinestry, studio de création basé à Los Angeles et fondé par Eric Holdener était très actif sur Decentraland à travers son client Perry Ellis lors de la Metaverse Fashion Week(DR)
Eric Holdener, d'origine franco-suisse, fondateur et CEO de la société Kinestry (DR)

Sur son site web, la société Kinestry se définit comme un studio de création d’innovations technologiques animé par le désir d’inventer un monde meilleur et plus intégré. Tout un programme. Face à son fondateur, Eric Holdener, l’impression n’est pas déphasée. Le Franco-Suisse, lausannois de cœur et californien d’adoption, offre un profil d’entrepreneur plutôt cool, passionné du web 3.0 et heureux d’avoir su positionner sa société dans le métavers au bon moment. La success-story est visiblement en marche pour celui qui a longtemps navigué dans les programmes d’implémentation SAP, puis les optimisations de process pour Nestlé aux États-Unis. En 2019, il monte sa société Kinestry avec trois personnes et juste assez de moyens financiers apportés par une famille d’investisseurs pour commencer à travailler sur un projet élaboré pour la marque Vans. L’idée? Fabriquer des sneakers grâce à l’intelligence artificielle. Son credo est simple: avoir une approche design thinking et implémenter la technologie qui permette de la développer dans l’entreprise et bien au-delà. Le démarrage, fulgurant malgré une phase de ralentissement causée par la pandémie, le porte à engager une trentaine de collaborateurs, tous répartis sur le territoire américain, selon les talents et les écosystèmes. Aujourd’hui, Kinestry est considérée comme une des sociétés le plus à même de proposer des projets digitaux transversaux, à la fois sur les process de production, le design 3D, l’e-commerce, le métavers et les NFTs. Dernièrement, il était très actif sur Decentraland à travers son client Perry Ellis lors de la Metaverse Fashion Week. Rencontré en Suisse, de retour de Paris où il pense ouvrir un bureau et juste avant de reprendre un vol de retour pour Los Angeles, Eric Holdener a accepté de donner une interview exclusive à Luxury Tribune.

Comment votre société Kinestry se distingue-t-elle dans la façon d’aborder le métavers?

Je pense que notre maîtrise très pointue de la technologie, couplée à notre approche design thinking nous permet de nous distinguer, toujours de manière personnalisée pour la marque ou l’artiste qui nous contacte. Aujourd’hui, notre époque est celle de la creative economy. Il y a une forte demande d’expériences, de storytelling pour engager les consommateurs et créer des communautés autour d’un produit. Nous proposons à la fois de repenser l’infrastructure interne, celle de la chaîne de production, pour pouvoir activer à grande échelle ces contenus et activations événementielles et ainsi gérer tous les assets digitaux. Les sociétés doivent aujourd’hui repenser leur stratégie autour du digital asset management. Nous accompagnons les marques du design du produit à la chaîne de production, jusqu’à la plateforme e-commerce et l’implémentation dans le métavers.

Découvrez plus sur la Metaverse Fashion Week sur notre dernière vidéo Youtube en partenariat avec Kinestry

Pouvez-vous donner un exemple de cette logique intégrée?

Lorsqu’un designer crée un nouvel objet, il va le modéliser en 3D, dans une qualité extrêmement fidèle à la réalité, ce qui permettra à l’acheteur de recevoir ce dessin 3D en lieu et place d’un traditionnel échantillon, souvent couteux et peu durable à fabriquer, et il pourra donner ses commentaires et modifications. Cela raccourcit le temps de production et évite des déchets. Ces assets sont ensuite publiés sur des plateformes e-commerce, afin d’observer comment l’engouement se crée autour de la nouveauté. Et bien sûr, la marque peut exploiter cette version entièrement digitale en NFT. Nous venons par exemple d’accompagner la marque Nike sur la collection swimwear 2023 en 3D. D’une simple séance photo, nous sommes passés à la création d’avatars immergés dans un univers à la fois futuriste et naturel. Tout leur catalogue a été créé avec ces avatars sur Real Engine, un outil de gaming que nous utilisons comme un studio de production. Une fois que les avatars sont dans le studio, nous produisons des looks. L’avantage, c’est que nous pouvons animer ces avatars dans un univers immersif où les gens peuvent se déplacer. La plus grande difficulté n’est pas de créer ces mondes, mais d’amener les équipes exécutives des sociétés à comprendre cette infinité de mondes qui s’ouvrent grâce à cette technologie.

Y a-t-il une marque qui, à vos yeux, a déjà parfaitement compris ces immenses potentiels?

Kinestry propose des projets digitaux transversaux, à la fois sur les process de production, le design 3D, l’e-commerce, le métavers et les NFTs (Kinestry)

Je dirais la marque Crocs, très avancée dans ces univers. La collaboration entre Crocs et Balenciaga a été très réussie sur ce point. La marque fédère de très grandes communautés. Leur processus de création est entièrement fondé sur le digital 3D, mais ils vont plus loin en utilisant des softwares de simulation généralement employés chez Boeing, qui permettent de calculer la résistance des matériaux. Ainsi Crocs simule le confort, l’usure et bien d’autres paramètres, dès l’étape initiale de la création de l’objet pour mieux comprendre ce qui doit être modifié sur les lignes de production. Aujourd’hui, ces données peuvent être portées sur le métavers.

Finalement, la technologie ne peut rien si le management n’est pas ouvert au changement…

Oui, c’est exact. Il faut un véritable travail d’éducation à ces changements. Certaines entreprises arrivent aujourd’hui à décloisonner leur département IT. Nous vivons une véritable révolution, car la technologie non seulement s’intègre à tous les départements de l’entreprise, mais elle déborde en dehors de l’entreprise grâce au métavers.

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Expliquez-nous les bénéfices de cette ouverture sur le métavers et comment ces investissements vont toucher tous les départements?

La chaîne de production d’une entreprise concerne bien sûr le circuit interne, mais elle touche également les ventes et le marketing. Aujourd’hui, les consommateurs veulent avoir une lisibilité de la chaîne de production, avoir une visibilité sur la chaîne d’approvisionnement, sur la traçabilité des matériaux. Ouvrir et donner accès à cette information est un vrai avantage en termes d’image, car cela engage et fédère une communauté. Patagonia en est un très bon exemple. Les entreprises qui utilisent la blockchain sur leur chaîne de production peuvent aujourd’hui activer ce processus grâce aux NFTs. Un NFT connecté à l’objet peut devenir un accès à un programme de fidélisation intéressant pour le client et à des programmes liés à des ONG, par exemple en lien avec l’environnement et la durabilité. Chaque NFT peut activer une partie de l’argent reversé à une association. Le consommateur se sent ainsi utile. C’est un excellent moyen de mobiliser une communauté derrière un produit et une cause. On le voit, il faut repenser les schémas, car la technologie n’est plus cloisonnée à des divisions, mais devient l’outil d’ouverture et de dialogue avec le monde.

La liberté d’expression que l’on retrouve sur le métavers est argument central. Travaillez-vous avec des artistes également ?

Oui nous travaillons avec beaucoup d’artistes. Nous collaborons avec les photographes suisses Frederic Auerbach, Marc Ninghetto, la peintre Francesca Gabbiani, le chorégraphe Dimitri Chamblas. Avec ce dernier nous élaborons une expérience immersive mettant en scène des danseurs que nous transposons dans le métavers. Pour cela nous avons utilisé une toute nouvelle technologie qui permet de filmer en 2D, puis de transposer les images en 3D par un logiciel sophistiqué. L’œuvre sera sous forme de NFT.

Eric Holdener était actif sur Decentraland durant la Metaverse Fashion Week à travers son client Perry Ellis (DR)

C’est bien sûr une source de financement pour tous ces artistes. Comment bien profiler son entrée dans le cryptoart alors que seul 1% réussit à percer?

Il y a ce que j’appelle le casino, les Bored Ape Yacht Club par exemple, qui sont strictement spéculatifs. Ces profils vont disparaître, car il n’y a pas de réelle portée artistique. De manière plus large, les NFTs sont des modèles fascinants pour les artistes. Et de surcroit, leur permettent de toucher des revenus importants (50%) également sous forme de royalties sur les marchés secondaires (5% par revente). L’aspect très intéressant du NFT lié au milieu de la création est de permettre au détenteur de l’objet digital un droit de cocréation, par un système de vote par exemple. Cet aspect participatif peut être très puissant.

Comment intégrer la difficile problématique de la monétisation de la valeur d’un objet digital ?

Il faut regarder les NFT sur trois axes : la monétisation de la marque à travers le digital et les collections limitées, la construction de communautés à travers des conversations, des expériences et l’expansion de l’univers de marque et comprendre comment votre marque peut être une story world. C’est ce que l’on appelle le brand univers expansion.

Qui sont les grands maîtres du milieu du métavers qui vous inspirent?

Peu se distinguent encore. Je dirais l’artiste Krista Kim, dont l’œuvre sur Times Square s’illuminait tous les soirs. Mais une chose est sûre, c’est à Los Angeles que les grands talents du Web 3.0 convergent. Los Angeles devient la Silicon Valley du métavers, car c’est la capitale de la creative economy, du storytelling, du milieu artistique et cinématographique. Tous les modèles de la Tech développés à la Silicon Valley sont aujourd’hui dépassés.

Le cinéma réfléchit-il aux NFTs?

Oui, absolument. La plus grande chaîne de cinéma physique AMC aux États-Unis avait par exemple décidé lors de la sortie de Batman d’offrir des drops de NFTs aux détenteurs de billets de la première séance. Une manière d’attirer des gens dans les salles. L’engouement pour les NFTs aux États-Unis est majeur. Les spots publicitaires lors du Super Bowl portaient en grande partie sur des cryptos. Le langage des NFTs est en train de pénétrer le grand public.

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