Gastronomie & Vins

Silvio Germann, le jeune chef au parcours gastronomique fulgurant

Cristina D’Agostino

By Cristina D’Agostino19 septembre 2023

Silvio Germann, repéré depuis longtemps par le maître triplement étoilé Andreas Caminada dont il est associé, est à la tête du Mammertsberg, à Freidorf. C’est l’une des meilleures nouvelles adresses gastronomiques de Suisse et déjà adoubée par l’horloger Hublot qui la compte parmi ses références culinaires.

ilvio Germann, 34 ans, est le jeune chef à la tête du Mammertsberg dans le canton de Thurgovie, le restaurant est classé 18 points au Gault & Millau (midres - Hublot)
Le Mammertsberg abrite un restaurant, un boutique hôtel, un cigar lounge et une large terrasse avec vue sur le lac de Constance (DR)

Juste en face de la gare de Freidorf, rien ne laisse supposer que derrière les murs du Mammertsberg se déclinent les délicates harmonies de Silvio Germann. L’accueil, le décor, la cuisine inventive, le jardin bucolique, tout doit jouer une partition fluide que Silvio Germann imagine correspondre à chacun des hôtes du lieu. La bâtisse de plus d’un siècle fait face à la vaste prairie qui s’ouvre en pente douce jusqu’aux rives du lac de Constance, à quelques kilomètres seulement. Le corps de la maison principale surmontée d’une tourelle plus étroite à colombages domine la colline. C’est là que le restaurant Mammertsberg et les quelques chambres du boutique hôtel sont nichées. Le restaurant, intime, compte douze tables. C’est en octobre 2022 que Silvio Germann et son prestigieux partenaire Andreas Caminada reprennent les lieux.

La terrasse du Mammertsberg face au lac de Constance (midres - Hublot)

Aujourd’hui, après un an, il s’impose déjà comme une adresse gastronomique. Après sept ans dans l’équipe du Schloss Schauenstein d’Andreas Caminada, un passage remarqué au restaurant D.O.M à São Paulo auprès du chef cuisinier brésilien Alex Atala, puis comme chef du restaurant Igniv au Grand Resort Bad Ragaz où il décroche deux étoiles Michelin, le Lucernois de 34 ans a accepté la proposition de son mentor Andreas Caminada de prendre la direction du Mammertsberg. Silvio Germann a désormais le champ libre pour exprimer son style. Il choisit tout, de la décoration des chambres aux céramiques qui accompagnent chaque plat, des petits producteurs environnants qu’il veut respectueux du bien-être animal et en accord avec la nature, jusqu’aux plantes qui habillent la terrasse du jardin. «Si je n’avais pas été chef, je serais probablement paysagiste», lance Silvio Germann.

Les plats de Silvio Germann ont l’allure de tableaux délicats, ne portent jamais de noms compliqués, et proposent des saveurs ultrafraîches en bouche (midres - Hublot)

Son large sourire traduit un vrai plaisir, une envie d’offrir une expérience nouvelle de la gastronomie, mais qu’il veut avant tout le fruit d’un esprit d’équipe, qu’il a choisi jeune et stylée, tous habillés de noir et sneakers blanches, lui y compris. Ses plats ont l’allure de tableaux délicats, ne portent jamais de noms compliqués, et proposent des saveurs ultrafraîches en bouche. Le reste est une surprise, que Silvio Germann veut totale. Rencontre avec un chef à suivre de très près, à coup sûr l’une des grandes signatures gastronomiques de la nouvelle génération.

Comment votre passion pour la cuisine a-t-elle commencé?

A l’âge de 15 ans, je cherchais encore ma voie. J’avais dans l’idée le métier de paysagiste ou de mécanicien. Puis j’ai fait un stage dans les cuisines d’un restaurant. J’ai tout de suite aimé le travail en équipe, voir rapidement les résultats dans les assiettes et la manière dont il pouvait rendre les gens heureux. C’est toujours mon but : voir les clients quitter le restaurant le sourire aux lèvres.

Andreas Caminada, trois étoiles Michelin, à la tête du Group Caminada qui comprend le Schloss Schauenstein, Casa Caminada, QZ, Igniv et en partenariat avec Silvio Germann pour le Mammertsberg (Caminada)

La rencontre avec Andreas Caminada a-t-elle été déterminante?

Oui. J’ai toujours été impressionné, c’était un peu mon idole. Très vite il est devenu mon mentor, puis mon chef et aujourd’hui mon partenaire. Les deux premières années ont été très dures à ses côtés, il a fallu rattraper le niveau, travailler très dur, mais c’était la condition, je le savais. Nous étions une équipe très jeune au Schloss Schauenstein, l’ambiance était très bonne. Andreas est quelqu’un d’humble, les pieds sur terre, qui vous parle d’égal à égal, il est franc, strict, mais il faut l’être à ce niveau.

Silvio Germann a appris l'exigence du métier aux côtés de Andreas Caminada (midres - Hublot)

Étiez-vous également attiré par les étoiles Michelin, il y a dix ans, lorsque vous l’avez rencontré?

Ces trois étoiles et les 19 points au Gault & Millau représentaient surtout la marge de progression qu’il fallait que je rattrape, car le précédent restaurant dans lequel j’ai travaillé était classé 17 points au Gault & Millau, à Flims. D’un coup, la barre était extrêmement élevée, peut-être trop. À refaire, je pense que j’intercalerais un restaurant moins étoilé entre deux, car c’était vraiment dur, les techniques étaient complexes. J’ai survécu, trois ans. Puis j’ai démissionné pour partir au Brésil, à Sao Paolo, chez D.O.M. l’un des quatre meilleurs restaurants du monde à cette époque. Puis, Andreas m’a rappelé, six mois après, m’encourageant à prendre la direction de Igniv, à 25 ans. C’était le deuxième restaurant qu’il ouvrait après Schloss Schauenstein. C’était l’un des premiers restaurants en Suisse dont le concept était fondé sur le partage des plats. Le succès est arrivé très vite. Devenir le chef d’une équipe de dix personnes était aussi nouveau pour moi.

Silvio Germann travaille avec les producteurs locaux, dans le canton de Thurgovie (midres - Hublot)

Comment définiriez-vous votre cuisine?

C’est une cuisine simple, je dirais, où l’on comprend ce que l’on a dans son assiette. La cuisine, tout comme l’atmosphère, doit être délicate, élégante, cool. Je pourrais toujours viser plus haut. Je fais chaque jour deux fois le tour de tout l’établissement, des chambres au restaurant, la perfection doit être partout, et non uniquement dans l’assiette. C’est une expérience totale, que le client doit ressentir, qu’il soit un fidèle visiteur ou un nouvel amateur. Chaque jour, je sais exactement qui vient, et nous notons chaque préférence. Nous avons un meeting quotidien à 18 h, avec l’équipe, et nous passons chaque invité en revue. Notre capacité maximale peut aller jusqu’à 45 couverts, dix de plus que ce que peut accueillir Schloss Schauenstein.

Quelle est votre exigence en termes de produits, de fournisseurs?

La plupart viennent de la région, du canton de Thurgovie, mais je sers aussi des langoustines, le critère est que tout doit être élevé avec passion et respect. Cela fait seulement un an que je suis établi ici, je dois encore découvrir personnellement beaucoup de producteurs de la région. C’est important de voir comment ils conçoivent leur rapport à la nature, mais aussi comment ils traitent leur équipe. Cela m’est déjà arrivé d’arrêter d’acheter des produits, car le rapport humain n’était pas bon. C’est ce que je veux dans mon établissement.

Quelle est votre vision du leadership aujourd’hui, en cuisine?

Silvio Germann lors d'une Master Class explique comment il produit ses huiles aromatisées (midres - Hublot)

Je pense être honnête, respectueux, peut-être un peu trop gentil (rire), et c’est aussi ce que je dois apprendre. Mais vous ne pouvez simplement plus diriger votre équipe comme avant, en hurlant. Il est très difficile de trouver du bon personnel, et nous avons une excellente et jeune équipe, je suis chanceux. Il faut savoir les motiver, les encourager, nous réfléchissons ensemble sur les idées, j’aime imaginer un nouveau plat en équipe. Ce n’est pas un one-man-show. J’apprécie aussi beaucoup échanger avec notre sommelier sur de nouvelles associations. Il est très talentueux. Souvent, après le service, nous buvons encore un verre pour partager, débriefer sur la journée. Il faut parler d’égal à égal avec chacun, et payer son équipe correctement. J’estime aussi qu’il est important de ne pas travailler plus de dix heures par jour, ce qui n’est pas vraiment le cas partout. Il faut donner un équilibre de vie, offrir des opportunités de progression. La jeune génération doit pouvoir se sentir plus libre. J’aime aussi me sentir ainsi. J’ai une fiancée, une vie en dehors du restaurant, et c’est important de dégager du temps, partir découvrir de nouveaux endroits. J’étais récemment à Naples, on y mange tellement bien. Je suis un fanatique de pâtes, je pourrais en manger tous les jours!

Que signifie la transmission pour vous? Qu’est-ce qu’un jeune chef comme vous retient de cet héritage reçu de ses précédentes expériences, comme Caminada?

Il m’a offert tellement d’opportunités, m’a beaucoup appris, en cuisine, mais aussi en dehors, comme son sens du respect. Et aujourd’hui, nous sommes partenaires, nous avons bâti une société, nous parlons beaucoup.

Auriez-vous pu être un chef nomade, comme il en existe beaucoup dans la nouvelle génération?

Je suis plutôt attaché à la terre. Ce matin, en me levant, il y avait cette magnifique lumière sur le lac de Constance… c’est un endroit parfait pour un restaurant. Un lieu, c’est aussi un beau voyage en lui-même.

Le restaurant le Mammertsberg est une adresse gastronomique adoubée par l’horloger Hublot qui la compte parmi ses références culinaires (midres - Hublot)

Le milieu de la cuisine attire beaucoup. Le succès sur les chaînes de télévision ne faiblit pas, les marques de luxe s’y intéressent aussi, à l’image de Hublot qui compte beaucoup de chefs étoilés dans les amis de la marque. Aujourd’hui, le restaurant Mammerstberg en fait partie. Comment voyez-vous cet intérêt ?

C’est un honneur d’en faire partie, les noms qui composent l’ensemble des restaurants et chefs avec lesquels la marque Hublot entretient des relations sont très impressionnants, je ressens même un peu de pression là (rire)! J’apprécie de travailler avec des partenaires sur le long terme, et je suis sûr que ce partenariat va nous aider également à nous faire connaître.

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