Stratégie

«Ma démarche est intuitive, sans business plan, mais à l’idéal esthétique absolu»

Cristina D’Agostino

By Cristina D’Agostino09 novembre 2021

Dans le cadre de notre dossier sur les nouveaux entrepreneurs du luxe, Luxury Tribune propose une série de portraits de créateurs qui osent le luxe absolu, qui misent sur «l’ultramesure», sans compromis. Première de cette série, Céline Surdez, créatrice suisse de la marque Pardessus19.

La marque de luxe Pardessus19 a été lancée en Septembre 2021 (Sylvie Roche)

Pour Céline Surdez, le savoir-faire ne va pas sans un certain «savoir-être». Et un respect absolu de l’artisan qui manie le beau. Cette Neuchâteloise, fondatrice et directrice de la maison Inedit New Brand Factory (IENBF) spécialisée dans la production d’objets et de cadeaux pour des marques, a fait le pari du luxe absolu. Celui de l’esthétique et de la qualité sans compromis. Elle crée aujourd’hui une nouvelle marque de manteaux en cuir, Pardessus19, un nouveau défi entrepreneurial dans un univers hautement concurrentiel. Un pari osé. Explications.

Vous lancez aujourd’hui votre marque Pardessus19, dans un secteur extrêmement concurrentiel. Qu’est-ce qui motive cette décision?

Céline Surdez, fondatrice de IENBF et Pardessus19, Villa Castelane, Neuchâtel, le 19 aout 2021. (Guillaume Perret)

C’est l’histoire d’une vie. Je travaille depuis bientôt vingt ans dans l’univers de l’accessoire de luxe, grâce à ma société IENBF. Cette nouvelle marque est un condensé de tout ce que j’ai vu et appris dans ma carrière auprès des meilleurs artisans. J’ai commencé la réflexion à l’envers. Je ne suis pas partie du prix, ni du coût engendré, ni même des marges potentielles, mais du beau. J’ai choisi les meilleurs savoir-faire, l’esthétique la plus proche de mon idéal de perfection, et c’est ensuite seulement que j’ai regardé combien la production des manteaux en cuir allait me coûter, pour déterminer mon prix de vente.

Sans vous soucier de savoir si ce prix allait correspondre à une attente?

Céline Surdez a choisi des artisans avec un savoir-faire unique pour travailler le cuir de chacune des pièces (Sylvie Roche)

Jamais. Ma démarche a été intuitive. J’avais envie de créer quelque chose de nouveau, de particulier, qui sortait de l’accessoire classique d’un sac ou d’une ceinture, que je pouvais déjà créer pour mes clients grâce à mon activité «white label» . Un jour, en visitant l’un de mes artisans partenaires, j’ai eu une sorte de révélation, de coup de foudre artisanal pour une technique particulière, celle de l’impression sur cuir. Il possède un savoir-faire unique, d’une finesse d’exécution impressionnante. Il travaille d’ailleurs pour les plus grandes maisons de couture.

C’est alors que vous décidez de créer des vestes en cuir réversibles, avec impression intérieure?

Oui. J’ai d’abord réalisé cette veste, pour moi, selon mes envies.  Je voulais quelque chose de facile, de simple, d’élégant. Je me suis inspirée des kimonos, quelque chose que tout le monde peut porter, qui demande un minimum de tailles et qui libère la créativité. L’intérêt de cette pièce est que je ne la considère pas comme un vêtement. Je ne crée pas des habits, mais des accessoires et cette veste représente un nouvel accessoire, que l’on achète comme un sac à main. On le met par-dessus tout. C’est comme ça qu’est né le nom de la marque.

Les pardessus sont réversibles, plus sobres à l'extérieur et avec une image plus colorée à l'intérieur pour refléter la personnalité de celle qui le porte (Sylvie Roche)

Comment décririez-vous vos créations?

La beauté est son fil rouge. Une esthétique d’une grande finesse que l’on peut lire dans la qualité de la peau, et une richesse créative intérieure, grâce au motif de l’œuvre artistique que l’on ne peut voir que si l’on retourne le manteau. Et qui reflète la personnalité intime de la personne qui le porte. Le pardessus est très léger. On dirait du tissu ou de la soie, mais tout est en cuir des deux côtés, totalement réversibles. Je choisis le meilleur du cuir. Un animal qui doit avoir eu une vie convenable, c’est important. Un cuir d’agneau, plongé.

Avez-vous tenté les cuirs végans, toujours plus recherchés aujourd’hui?

Le réseau d'artisans de la marque Pardessus19 se trouve pour la grande majorité en Toscane (Sylvie Roche)

J’ai tout essayé. J’ai testé des cuirs d’ananas, de pommes… mais rien qui pouvait me satisfaire dans le résultat. Je ne voulais pas faire de compris sur le beau. Il faut savoir que le cuir d’ananas, par exemple, est rempli de colle et d’amidon. La complète durabilité n’est pas encore atteinte dans ces domaines. Si j’étais partie sur du cuir de pomme, j’aurais dû faire produire une énorme quantité – seule possibilité pour en obtenir – pour n’en utiliser qu’une petite partie. Ce n’est pas écologique non plus. En choisissant une peau animale, j’utilise tout de la peau. Tout est fait sur mesure et calculé, il n’y a pas de gaspillage. Chaque pièce est unique et imprimée à la main individuellement. Je ne fais aucun stock.

Où sont fabriqués vos manteaux?

Tout est produit en Italie, en Toscane. J’y ai tout mon réseau, des artisans de grande valeur avec qui je travaille déjà pour mon activité de white label. Ils sont tous à 100 km les uns des autres. En revanche, le design et la création artistique se font en Suisse. L’illustratrice Asia Dusong qui crée les motifs intérieurs est à Neuchâtel, tout comme Ségolène Aebi, la dessinatrice de notre trame 19.

Pourquoi le chiffre 19 dans votre marque?

C’est mon chiffre porte-bonheur. Tout est 19 dans ma vie. Et le chiffre est universel.

Votre marque est-elle autofinancée?

Oui, pour l’instant, totalement. C’est un peu comme si j’avais investi dans une demeure! Mais je ne suis pas à mon coup d’essai. J’ai échoué à trois reprises avant de lancer Pardessus19. J’avais pourtant étudié tous les business plans. Mais lorsque l’argent est au cœur des réflexions, les directions prises ne sont pas toujours justes. Maintenant que le projet est lancé, je souhaite partager cette aventure en ouvrant le capital et donner plus de force à Pardessus19. Je crois en la force du partage.

Quelle est la gamme de prix?

Les prix démarrent à 10 000 francs suisses. C’est un positionnement de prix osé. Mais la démarche d’acheter un Pardessus19 peut être la même que de s’acheter une œuvre d’art, une montre, un bijou. On se fait plaisir et on porte sur soi un objet qui nous ressemble, durable et qui permet de rémunérer à leur juste valeur les artisans qui l’on confectionné.

Des évènements dans plusieurs villes de Suisse auront lieu pour accéder à la clientèle (Sylvie Roche)

Comment rencontrez-vous vos clients?

Nous organisons des roadtrip en Suisse pour aller à la rencontre de nos clients, sur la base d’un réseau que l’on a construit. Nous souhaitons les rassembler autour d’évènements, à l’image de celui organisé pour notre lancement, il y a un mois. Nous serons exclusivement en Suisse pour l’instant, mais le but sera de trouver les bons distributeurs pour des marchés à l’étranger, et la vente en ligne sera bientôt disponible. Le but est de surprendre la clientèle, en organisant des rencontres insolites dans des endroits uniques.

Comment s’est passé le lancement? Êtes-vous satisfaite des ventes?

Nous avons vendu quelques pièces, et le but est de réussir à vendre une vingtaine de manteaux d’ici à la fin de l’année.  Mais il sera difficile de nous faire connaître à plus grande échelle sans appeler à un nouveau financement. J’ai investi un demi-million de francs pour produire les premières pièces et lancer la marque. Par la suite, il est prévu de décliner la marque sur d’autres produits. Tout est pensé pour, un jour, créer des collections en tissu, des ceintures, des sacs, et même des sous-vêtements. Il y a encore beaucoup de talents que j’ai envie de valoriser!

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