Frédéric Grangié, président Horlogerie et Joaillerie de Chanel: «Tout part de la création, mais sans intégrité du produit, cela ne vaut rien»

Sur l’espace Chanel de Watches and Wonders, l’atmosphère intimiste baignée de bleu – la couleur star du nouveau modèle J12 – incitait l’amateur à plonger son regard dans les savoir-faire horlogers de la maison parisienne. Sans vitrine pour mieux les approcher, les montres se laissaient observer sous toutes les coutures: métiers d’art, complexité des mouvements et maîtrise de la céramique.

Pour Frédéric Grangié, il est essentiel de rappeler que l’horlogerie chez Chanel est maîtrisée à l’interne et que ce métier reçoit la plus grande attention et tous les moyens nécessaires à son développement. Preuve en est, l’échantillon des étapes de fabrication de la céramique – en l’occurrence celle de la J12 BLEU – qu’il apprécie garder près de lui. Au fil de l’entretien, il y fera souvent référence, comme un témoin des avancées technologiques que Chanel veut apporter au secteur.

À la présidence de la division depuis 2016, il est d’ailleurs l’acteur clé qui a permis le rapprochement avec le géant Rolex, afin de sceller un partenariat stratégique majeur sur la manufacture Kenissi au Locle, producteur de mouvement pour la marque Tudor. L’excellence de la qualité et sa maîtrise est une obsession.

L’horlogerie Chanel a l’ambition des plus grands, dites-vous. Qu’est-ce que cela implique?

Il est important de recontextualiser cette question dans le contexte général de la marque, à savoir une maison indépendante, familiale, à l’histoire séculaire et leader depuis très longtemps dans les secteurs de la mode, du parfum et de la beauté. Bien sûr, alors que la joaillerie existe depuis 1932, le métier de l’horlogerie reste jeune pour Chanel, puisque nous célébrerons ses 40 ans en 2027.

Face aux maisons séculaires, nous restons humbles. En revanche, le développement de l’horlogerie est de grande importance, l’attention qui y est portée est la même que pour les autres métiers. Travailler au patrimoine de marque, c’est aussi construire son futur pour les cinquante prochaines années. Sur ce point, en quarante ans, nous avons certainement été la marque qui a lancé le plus de nouveautés dans l’univers de la montre féminine. Chanel a accéléré son développement pour devenir non seulement un horloger très sérieux, mais un pure player.

Quels sont les éléments constitutifs de Chanel qui vous permettent d’y parvenir?

La création! Elle est sacrée chez Chanel, car c’est son origine. Le design de la montre Première reprend la forme iconique qui intègre tous ses codes: la place Vendôme, le bouchon du parfum N^o 5, le lien en cuir du sac iconique. C’est la vision géniale de Jacques Helleu, mais c’est aussi la décision stratégique capitale de la maison qui, en 1987, choisit d’entreprendre la même démarche que pour le parfum ou la mode, à savoir: ne pas concéder de licence, mais devenir un pure player. À cet effet, en 1993, Chanel achète la manufacture Châtelain à La Chaux-de-Fonds qui devient le point d’ancrage de son expertise et de son développement. Tout part de la création, mais sans intégrité du produit, cela ne vaut rien et ne peut durer. L’ambition est grande et peut paraître vertigineuse à court terme, mais il n’y a aucune raison que cela ne se produise pas. La mission est de penser sur le temps long, tout en l’imprimant dans l’action concrète.

Quel exemple pourrait l’incarner au mieux?