Style & Évasion

«En voile, si vous voulez être le meilleur, la classe des 52 Super Series peut vous l’offrir»

Cristina D’Agostino

By Cristina D’Agostino26 octobre 2023

Le championnat des 52 Super Series s’est achevé à Majorque sur la victoire du magnat de l’immobilier allemand Harm Müller-Spreer, en septembre dernier. L’occasion de comprendre pourquoi cette série a fait le choix de continuer à naviguer sur des monocoques classiques, alors que les voiliers sur foils sont aujourd’hui la tendance de fond.

C'est à Puerto Portals, près de Palma de Majorque que la dernière étape de la saison des 52 SUPER SERIES 2023 était organisée (52 super series)

Le vent, en ce premier matin d’automne, fait claquer les drisses des onze monocoques de course amarrés à la jetée principale de la marina de Puerto Portals. Les premiers fans se pressent pour observer le ballet millimétré des équipages. Sur le port, affairés à préparer les bateaux, à monter les voiles et à contrôler les derniers réglages, tous échangent leur point de vue, analysent les courses de la veille, plaisantent amicalement sur les bons scores ou déboires de certains. Rivaux sur l’eau, mais camarades de longue date à terre, ils forment cette classe à part, celle des 52 Super Series, que les amateurs de voile dite «classique» aiment à qualifier de plus beau championnat du monde.

Les bateaux sont souvent barrés par les propriétaires eux-mêmes. Les monocoques sont construits en suivant un certain nombre de règles, mais qui permettent de la flexibilité, de l’imagination, de la créativité, et donc du fun

Lars Böcking, responsable marketing et durabilité des 52 Super Series

Au moment où la 37e America’s Cup 2024 révèle ses monocoques sur foils AC75 de deuxième génération, affutés comme des Formules 1 des mers, et que le championnat SailGP et ses catamarans volants capables de vitesse inouïe offraient encore il y a peu un spectacle vélique à couper le souffle, la 52 Super Series reste le pinacle de la voile pour les passionnés qui rêvent de mer, de plaisir et de compétition. «Se mesurer aux autres est la règle, tous égaux sur la ligne de départ. Ce ne sont pas des matchs races, mais des fleet races, où seuls l’ingéniosité, le talent et l’expérience font la différence à l’arrivée», explique Lars Böcking, responsable marketing et durabilité des 52 Super Series depuis les débuts du championnat. À bien des égards, le sport vélique peut sembler prendre aujourd’hui deux voies bien distinctes. L’une, dominée par la vitesse et l’extrême, impose une capacité de décision, de communication et de réaction sans faille, l’autre, érigée en Graal de la navigation stratégique, s’apparente à un jeu d’échec en trois dimensions.

Les 52 Super Series sont des fleet races, où seuls l’ingéniosité, le talent et l’expérience font la différence à l’arrivée (52 Super Series)

Une classe qui existe depuis les années 2000

Pensé comme un championnat en cinq actes, la saison des 52 Super Series compte cinq régates d’une dizaine de courses sur cinq jours, avec un mélange de parcours au vent et de parcours côtiers en fonction du lieu. Un point d’orgue rassemble souvent les fans du monde entier: le Rolex TP52 World Championship, l’une des cinq régates, dont la victoire prestigieuse est ardemment visée par tous, comme un championnat dans le championnat. Remporté cette année à Barcelone par Platoon - l’équipe allemande de la flotte -, le Rolex TP52 World Championship aura lieu à Newport, aux États-Unis, du 15 au 20 juillet 2024. Rolex est le sponsor titre du championnat du monde et la montre officielle des 52 SUPER SERIES depuis 2017, dans le cadre d'un partenariat avec le monde de la voile qui remonte à six décennies

Le 26 août dernier, à Barcelone, le ROLEX TP52 WORLD CHAMPIONSHIP 2023 était remporté par Harm Müller-Spreer, barreur et propriétaire du bateau allemand Platoon (Rolex. Kurt Arrigo)

Chaque année, les lieux changent, même si historiquement, la moitié des étapes sont souvent organisées sur sol espagnol. «L’acronyme TP vient de Transpacifique, car les bateaux étaient construits initialement pour naviguer de Los Angeles à Honolulu. Puis, en 2004, les voiliers sont venus naviguer en Méditerranée. En ce temps-là, l’Espagne était en pleine ascension et le roi adorait cette catégorie. Valence avait accueilli la 32e America’s Cup en 2007, courue sur des voiliers monocoques classiques. Beaucoup de navigateurs de la coupe ont ensuite rejoint la catégorie des 52 Super Series. Puis, peu à peu, il a fallu repenser le championnat. Nous avons entièrement revu les bases de l’organisation en 2012, redonnant vie au 52 Super Series dans leur formule actuelle, grâce notamment à l’appui de quelques membres fondateurs, dont Niklas Zennström, le cofondateur de Skype. Aujourd’hui, nous privilégions des courses dans des lieux aux capacités d’accueil éprouvées, de grande qualité et où les propriétaires de bateaux ont du plaisir à venir naviguer», explique Lars Böcking.

Rolex est le sponsor titre du championnat du monde et la montre officielle des 52 SUPER SERIES depuis 2017, dans le cadre d'un partenariat avec le monde de la voile qui remonte à six décennies (Rolex. Kurt Arrigo)

C’est donc au large de Majorque, à Puerto Portals, que débutait la dernière phase de la saison 2023, déterminant le grand vainqueur du championnat: le bateau allemand Platoon barré par le riche entrepreneur immobilier hambourgeois Harm Müller-Spreer. Cette dernière ligne droite a vu s’affronter des équipages de huit nationsdont Hong Kong, nouveau venu dans la série. Car la ferveur qui continue à stimuler les passionnés, c’est bien celle de voir toujours plus de nations rentrer dans le championnat et continuer à faire progresser la classe, avec de nouveaux bateaux et navigateurs. Lars Böcking poursuit: «Vous savez, naviguer sur un bateau de course monocoque sur foils comme l’AC75 de l’America’s Cup est devenu extrêmement complexe, presque impossible pour un propriétaire. Alors que c’est ce qui fait le sel de la classe 52 Super Series. Les bateaux sont souvent barrés par les propriétaires eux-mêmes. Les monocoques sont construits en suivant un certain nombre de règles, mais qui permettent de la flexibilité, de l’imagination, de la créativité, et donc du fun. Nous maintenons ainsi l’envie au fil des éditions. L’année prochaine, le championnat retournera aux États-Unis, à Newport. Il est important d’inclure des bateaux américains, comme il sera important d’aller en Asie. Nous comptons déjà dans la flotte un bateau de Hong Kong et un autre de Thaïlande. Les propriétaires veulent de nouvelles aventures, naviguer sur des mers qu’ils connaissent moins. Le positionnement de la série 52 est très fort aujourd’hui, surtout depuis les changements sur foils de l’America’s Cup. Je crois en la beauté de la navigation en monocoque classique, où le plaisir de naviguer, de partager des expériences dans un certain art de vivre compte aussi, en dehors de la compétition.»

Les monocoques de 52 pieds sont construits par deux studios de design différents: Botin Partners et Judel Vrolijk (Rolex. Kurt Arrigo)

Un budget de 12 millions d’euros sur trois ans

Jusqu’où l’ambition de faire progresser la flotte peut-elle aller, tout en gardant la qualité des courses? Selon les responsables, une quinzaine de bateaux – la série en compte onze en 2023 – serait le nombre idéal. En avoir davantage serait trop dangereux sur la ligne de départ. Et c’est sans compter les capacités d’une marina d’accueillir bateaux, containers et équipages (une vingtaine de membres par bateau). Quant au budget, selon nos informations, il s’élève à 12 millions d’euros, pour une participation sur trois ans. La construction d’un bateau varie, elle, entre 3,5 et 4 millions d’euros, dont la valeur à la revente oscillerait entre 800 000 euros et 1 million d’euros.

Avoir remporté le titre de champion de la saison et le titre de champion du monde en tant que propriétaire et barreur, c’est le maximum que l’on puisse atteindre dans une course internationale de monocoques

Harm Müller-Spreer, vainqueur de l'édition 2023

Concentrées sur une période plus courte, généralement de mai à septembre, les courses sont aussi plus gérables en termes de disponibilité par les hommes d’affaires sur les bateaux. Car si pour la plupart des autres compétitions véliques, les propriétaires ne s’impliquent pas personnellement dans la compétition, c’est aussi ce qui distingue la série des 52 Super Series, à l’image de Harm Müller-Spreer, grand vainqueur de l’édition 2023: «Mon équipe n’est composée que de professionnels, je suis le seul amateur. Si vous voulez être le meilleur, c’est la classe des 52 Super Series qui peut vous l’offrir. Avoir remporté le titre de champion de la saison et le titre de champion du monde en tant que propriétaire et barreur, c’est le maximum que l’on puisse atteindre dans une course internationale de monocoques. Bien sûr, cela implique de vous donner les moyens de la victoire. Nous venons de vendre le bateau, pour en construire un nouveau pour la saison 2024. Nous pouvons encore améliorer nos résultats et gagner quelque deux ou trois secondes par mille, c’est une marge très petite, mais dans cette classe, vous devez regarder chaque détail pour gagner en performance.»

Le championnat des 52 Super Series s’est achevé à Majorque sur la victoire du magnat de l’immobilier allemand Harm Müller-Spreer, en septembre dernier (52 Super Series)

Les 52 Super Series apporte du prestige à la marina, car c’est le plus ambitieux championnat sportif dans cette catégorie, et nous sommes fiers d’accueillir une des étapes du championnat depuis les débuts de la compétition.

Corinna Graf, propriétaire et directrice générale de la marina de Puerto Portals

Tous les propriétaires des classes 52 sont des businessmen à succès, habitués à gagner. Vouloir la meilleure équipe, le bateau le plus performant, c’est ce qui fonde leur intérêt pour cette classe. Mais c’est aussi le plaisir de se retrouver à quai, pour partager leur passion. D’ailleurs, c’était le cas, à la marina de Puerto Portals, où l’un des propriétaires avait même convié tous les autres à dîner sur son yacht amarré au port. Corinna Graf, propriétaire et directrice générale de la marina de Puerto Portals confirme: «Les 52 Super Series apporte du prestige à la marina, car c’est le plus ambitieux championnat sportif dans cette catégorie, et nous sommes fiers d’accueillir une des étapes du championnat depuis les débuts de la compétition. Mais pour cela, nous nous devons de constamment améliorer nos infrastructures et prestations. La clientèle de Majorque est fortunée, mais veut rester discrète. C’est pourquoi la marina de Puerto Portals ne vise pas le show off. Nos clients veulent de la haute qualité, sans le montrer. Le luxe est d’offrir à tous les clients de la marina la même exigence en la matière, indépendamment de leurs catégories socioéconomiques. Nous voulons leur offrir tous les meilleurs services, dans un même périmètre, sans perte de temps.»

Le championnat des 52 Super Series 2024 débutera à PalmaVela à Palma de Mallorca le 27 avril 2024, puis se poursuivra aux États-Unis, à Newport, pour deux régates avant de revenir en Espagne pour deux rendez-vous, et se conclure le 28 septembre 2024.

Références

  • 1

    Grande-Bretagne (Alegre et Gladiator), de Hong Kong (Alpha+), des États-Unis (Interlodge, Quantum Racing powered by American Magic et Sled), de France (Paprec), d’Afrique du Sud (Phoenix), de Thaïlande (Vayu), de Turquie (Provezza) et d’Allemagne (Platoon).

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